Ouverte sur l'extérieur cette cour intérieure. Insoupçonnable. D'abord, cette longue impasse, et ce long couloir encore. A l'entrée, une petite estrade, comme celle des cinémas d'antan : "Ben oui, faut payer, faut bien vivre". Autour de la cour, un grand rez-de-chaussé, labyrinthique, en escargot. Des pièces ouvertes aérées, les murs, recouverts d'étoffes, de tentures, n'en sont plus. Et puis, cette salle qui regorge de costumes, et cette petite loge, par l'entrebâillement de la porte, on aperçoit le torse glabre de l'acteur, ses muscles lisses. Et enfin, la cour. Son sol irrégulier, ses murs décrépis, terminés par de menus barbelés rivalisant avec une verdure effarouchée.
Plus bas, placardées, des enseignes d'un autre temps, celui d'avant les carrefour et autre Auchan. "Chez Mimile", "Au coupe-gorge". Echoués, à l'angle, une ancre et son gouvernail. Au centre, des fauteuils ocre et pourpre, bientôt, quelques habitants de ce coin du XXe vont les rejoindre ; pour l'heure, c'est l'apéro. Le maître des lieux l'écourte. 21h30, l'orage menace.
L'insolite entre en scène. Coiffé d'une calebasse, une autre, plus volumineuse à la taille, un homme émet des borborygmes guerriers à l'endroit de son compagnon, crâne rasé. Si le premier semble exprimer une rage trop longtemps contenue, le visage du second porte une expression étrange : il rappelle ces héros de science-fiction, dans les bandes-dessinées, qui auscultent les Terriens sans comprendre.
Animée, habitée, la cour n'est plus ce lieu où résonnent des pas saccadés, celle où l'on gare son vélo, où l'on vide sa poubelle.
23h. Applaudissements. Hilarité. La pluie n' est plus. Les murs se fondent au chien-loup.Mes Petites Fables