Il faut que je vous raconte mon voyage. Depuis quelques jours, je suis en Inde, métro La
Chapelle. Je tourne un documentaire sur l'Inde à Paris, et j'arpente le quartier indien de long en large, à la rencontre de ces parisiens du bout du monde. Je rencontre des gens formidables,
souriants, chaleureux. Des hommes et des femmes qui ont quitté leur famille et leurs racines pour venir s'installer ici, soit pour fuire la guerre, comme les Sri Lankais, ou par amour de Paris et
des Français, comme les pondichériens, liés à la France autrefois par les anciens comptoirs. Je vous ferai partager mes découvertes comme ça, par bribes, et pour commencer, je vous emmène chez un
fleuriste minuscule et extraodinaire. La boutique est petite, elle ne paye pas de mine. C'est Hibiscus, 2
rue Perdonnet, dans le 10è. Dès le perron, une odeur de jasmin vous incite à entrer. Ce sont les colliers reçus le matin même de New Dehli. Ils arrivent par avion trois fois par semaine, sagement
rangés entre deux couches de gel frais. Confectionnés la veille en Inde, ils s'en vont orner les cous des belles parisiennes et les chignons des indiennes. Mais au fond de la boutique, il y a
plus merveilleux encore : un Hindi de 63 ans, cheveux gris et gestes sûrs, assemble avec précision les fameux Maalais, ces
ornements de fleurs que les indiens portent pour toutes les occasions : mariages, fiançailles, enterrements, retrouvailles…Devant mon air émerveillé, Victor, le patron, un pondichérien charmant,
m'explique que les fleurs, chez lui, en Inde, sont présentes partout tout le temps. "On ne sait pas vivre sans les fleurs, ajoute-t-il, ce sont plus que des bijoux, elles nous servent à dire des
choses, à communiquer. Elles nous aident à vivre." Et avec un grand sourire de totues ses dents blanches, il m'offre une fleur de lotus, symbole de pureté, car c'est la seule à naître dans la vase et à s'épanouir hors de l'eau, dans l'air.