Et oui, hier, j’ai eu une journée complète de formation. En anglais, s’il vous plaît. Et j’y ai survécu !
La formation en elle-même n’était pas compliquée puisqu’il s’agissait de mettre quelque chose à la place d’un infâme néant !
A la fin de la journée j’aurais été capable de faire une superbe présentation, avec photos intégrées, en arrière-plan, chevauchant le texte par en-dessous, en insérant une musique, des animations et tout l’toutim…
Pourquoi juste hier ? Mais parce que c’était tout frais.
Aujourd’hui déjà, quelques brumes se sont déposées. Et sachant que je ne vais pas du tout l’utiliser dans les mois ou années à venir, autant dire que c’était une journée ‘achement utile !
Elle n’aura pas servi à grand-chose. Si ce n’est qu’elle a été l’occasion d’une belle rencontre.
Je l’ai vue s’installer derrière moi lorsque le cours à débuté. Nous n’avions pas eu le temps d’échanger trois mots.
J’avais juste remarqué son sourire radieux et sa mine épanouie. Ses cheveux gris dans un long carré flouté. La mine bronzée. Le maquillage discret. Son sourire suffisait à faire le reste !
Lors de la pause-déjeuner. 1h30 à passer toute seule, je me suis dirigée vers le self service. J’ai l’habitude de manger seule. Je me suis installée à une grande table. Pensant manger en coup de vent et m’échapper vers la cafète, pour avancer « Les yeux jaunes des crocodiles » qui me captive depuis quelques jours…
Et puis elle s’est assise à la même table. Elle ? Je dois dire qu’on ne s’est même pas échangé nos prénoms. Environ 55/60 ans. Plus proche de la retraite que du début de carrière… D’origine allemande, parlant un anglais parfait, comprenant et parlant aussi le français à la perfection. Et c’est une chose que je trouve épatante ici et dans cet ennui constant que je ressens à travailler ici, il y a ces rencontres improbables. Des gens qui débarquent de partout, parlent toutes les langues. Quelle richesse !
Au départ elle avait laissé une place libre entre elle et moi et puis je lui ai souri, elle m’a reconnue comme faisant partie du même cours et elle a pris place tout à côté de moi. S’en est suivie une longue conversation. Chacune racontant sa vie à l’autre dans ces échanges riches et profonds où l’analyse l’emporte sur le vain étalage d’événements.
Elle m’a demandé où je travaillais, depuis combien de temps, comment j’étais arrivée là et de fil en aiguille, c’est mon passé que je lui ai déplié, ainsi, le plus naturellement du monde. Sans enfants mais ayant des amis qui avaient vécu des ruptures suite à l’arrivée des enfants, elle était curieuse de savoir le pourquoi… Et puis de fil en aiguille, c’est de l’éducation parentale que nous avons parlé. LE pourquoi notre route prend un tel chemin à un moment donné. Puis on a parlé de mon analyse psy, de la vie, des opportunités, de sa façon de digérer les épreuves. De la force que donne le simple fait de s’en sortir seule…
Sa vie professionnelle et celle de son mari (épousé sur le tard), fonctionnaire également, les avaient menés partout à travers le monde. Nous avons parlé de son poste au Japon, de leur vie en Namibie, en Ouganda, en Amérique Latine. Nous avons parlé Littérature, Muriel Barberry entre autres, puis celui qu’elle m’a conseillé entre philosophie et roman, LeLord « Hector et la recherche du bonheur », « Hector et la recherche de l’amour »… Bref, son enthousiasme communicatif m’a donné envie d’en savoir plus…
Puis on a parlé arts créatifs. Elle avait profité de son séjour en Namibie « Pays incroyable de couleurs et de paysages hors du commun » pour apprendre l’aquarelle. Puis elle avait
continué à prendre des cours. Finalement sa professeure avait insisté pour qu’elle expose. Plutôt du genre humble, elle a dû se faire prier pour accepter. Mais elle me disait à quel point c’était
agréable de voir des gens s’arrêter devant ses peintures, et admirer son travail. Elle avait vendu 9 de ses dessins ce jour-là.
C’est alors que je lui ai dit mon grand rêve secret. Cette pulsion d’écriture qui se coince. Que j’ai tant de mal à « laisser faire ». Et c’est alors qu’elle m’a dit « Si ça doit
se faire, si telle est votre désir, alors faites-le, ne vous retenez pas, la vie est courte et elle peut prendre tant de routes différentes. Ne vous coincez pas dans une seule voie. Tentez. Qui
sait ensuite ce que la vie vous réservera. Il vaut mieux faire, quitte à réaliser ensuite que finalement ce n’était pas ça. Que rester sur une chose non accomplie et en faire un regret pour ses
vieux jours »… Nous avons parlé ensuite d'internet, de mon blog. De la rencontre avec mon amoureux par ce biais-là... De ma vie qui semble aujourd'hui si "neuve" et si
belle...
Puis nous avons encore parlé boulot. Elle m’a demandé ce que je faisais. Je lui ai expliqué l’ennui de mes fonctions qui ne me faisaient pas utiliser tout le potentiel de ma tête. Elle m’a alors répondu « Il y a tant de boulots où les gens sont sous-utilisés. J’ai eu de la chance dans ma vie, des chefs qui se rendaient compte que je pouvais faire mille autres choses. Il n’y a pas de possibilités pour vous de prendre d’autres tâches ». Je lui ai expliqué le fait qu’on était 5 secrétaires dans mon équipe, et que je ne devais compter sur aucun traitement de faveur, nous avons chacune nos tâches bien précises. Les seules qu’on pourrait me rajouter seraient bien plus ennuyeuses, hélas, que celles dont j’incombe déjà…
Elle m’a raconté qu’au même âge que moi, elle avait eu envie aussi de quitter la Commission. L’ennui, l’impression de tourner en rond, d’être sous-exploitée. Et puis, une proposition lui était tombée dessus : un boulot au Japon pour la Commission européenne, célibataire à l’époque, sa décision avait été très vite prise. Et puis de fil en aiguille, elle était restée dans cette institution parce qu’elle offre maintes possibilités à qui veut changer de voie. Elle me racontait qu’elle était capable de prendre des décisions importantes très, très vite, comme si une voix lui indiquait le chemin à prendre. Puis elle m’a dit, "fiez vous aux opportunités qui se présentent, souvent, elles arrivent au bon moment, comme par magie et souvent ce sont des choses qui aboutissent".
J’ai pensé à ITER. J’ai pensé à moi aussi, que j’avais la même façon de fonctionner.
Et puis elle m’a dit « Vous avez vécu bien des choses difficiles pour votre jeune âge, dites vous surtout que toutes les choses douloureuses que vous avez vécu ou vivrez encore sont propres
à faire de vous une femme forte. Vous prendrez vos décisions de plus en plus aisément, alors qu’il y a tant de gens qui sont incapables de donner un sens à leur vie. Je suis impressionnée par
votre allure si positive. Même vos yeux disent cela. Il ne reste aucune trace de vos épreuves. On a l’impression que vous vous êtes trouvée. Même votre coiffure vous va très bien. Vous respirez
l'enthousiasme. Gardez cette force-là, c'est l'arme la plus utile dans la vie ! »…
J’ai été touchée, émue d’entendre cela d’une femme de son âge.
Lorsque nous avons cessé de parler, il était l’heure de retourner en cours.
Il y a des rencontres merveilleuses, qui sont autant de signes…
Je ne sais même pas son nom, ni son prénom.
Merci PowerPoint !