J'ai été saisie par son regard à demi fermé, puissant, énigmatique. J'ai relevé les yeux vers le visage d'ébène qui me faisait face. Grand, il était très grand car assis, ses genoux remontaient haut vers son thorax. Sa chevelure de tresses était enduite d'un riche onguent. J'ai été fascinée par la régularité de ses traits et la fixité de ses prunelles de charbon ardent sur moi, paupières mi closes, aux aguets. Oriounga, ai-je songé. Le guerrier masaï dépeint par Joseph Kessel était assis devant moi et je ne pouvais plus me détacher de cette fascination pour cette beauté insolente d'homme noir...
Il n'était pas habillé d'un pagne de couleurs et ne portait aucun bijou, non... Sur son corps de liane aux muscles tendus comme des filins d'acier, un costume d'alpaga d'excellente facture, une chemise rose sous laquelle des pectoraux puissants rythmaient la cadence de sa respiration et une cravate de soie grise lui donnaient belle allure...
Clichy-Levallois, il s'est levé fier et digne, si grand que sa chevelure touchait le toit du wagon sans le courber... Je l'ai suivi des yeux le long du quai, longtemps. Il n'avait pas de lance mais tenait devant lui un grand parapluie anglais...