Magazine Journal intime

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Publié le 15 juin 2009 par Araucaria
Jeudi en fin d'après-midi nous étions sortis avec mon mari pour effectuer quelques achats sans grand intérêt, et à un moment donné, roulant dans une zone artisanale, nous sommes passés devant un dépôt-vente, brocante, ouvert depuis quelques semaines... Je ne sais pour quelle raison précise, mon mari a décidé d'aller voir... Nous avons tellement bien vu que nous avons acheté une armoire! Elle remplacera avantageusement "une horreur-horrible" (vraiment horrible!, mais alors tout ce qu'il y a de plus horrible!) datant des années 30-40, façon palissandre, avec une glace étroite au milieu... Je déteste ce meuble hideux! et le regarde de travers depuis plusieurs années ne sachant comment m'en débarrasser... même les vers à bois ne m'ont pas prêté main forte, car elle est saine, absolument pas piquée! Plus que quelques jours à la supporter...ouf! En attendant, depuis vendredi, j'ai retroussé mes manches et m'affaire sur notre acquisition : traitement de choc à l'essence de térébenthine, à l'acétone, puis au rénovateur à bois... Lorsque le meuble sera remonté, je passerai l'ensemble à la "Popote des Antiquaires", puis il recevra une bonne couche de cire...Redonner vie à un meuble est un travail que j'adore, même si pour l'instant j'évolue au milieu de produits chimiques qui sentent fort mauvais, le beau temps aidant j'ai quand même la chance de pouvoir oeuvrer à l'extérieur. Comment décrire cette nouvelle acquisition? Il s'agit d'une simple haute armoire à deux portes, en noyer,  surmontée d'une  belle corniche. Elle date du 19ème ou début du 20ème siècle et est de style Louis-Philippe. J'aime beaucoup ce style qui s'intègre facilement à tous les intérieurs et ai une prédilection pour le noyer...
C'est la seconde fois que nous achetons dans une brocante... Sur le continent en avril, nous avons déjà trouvé un buffet pour la maison de campagne..Particulièrement crasseux mais en bon état,  je vais le passer dans ses moindres recoins au nettoyeur vapeur et au désinfectant...premières étapes avant un long travail de lifting...
Nous n'en sommes cependant pas à notre premier achat de meubles anciens, tous trouvés chez des antiquaires. La crise étant là nous avons baissé nos exigences d'un cran... Le buffet pour la campagne est un achat utile, en "vrai bois" pour supporter le séjour hivernal dans la maison fermée, humide et froide...L'achat de jeudi tient plus du coup de coeur, et puis c'était "une affaire"...J'ai hâte qu'il trouve sa place dans la maison...
Je reviendrai sur ma passion pour les vieilles choses, pour les objets trouvés, les meubles abandonnés et mutilés, les choses réparées "à ma façon" et utilisées d'une façon détournée...Cela fera l'objet d'une confession...Oui, je ne collectionne pas que les livres et les pelotes de laine...je fais bien pis...
En attendant, ces visites chez les brocanteurs, m'ont rappelé un passage de ce livre :
http://songedunenuitdete.hautetfort.com/images/medium_gloire.jpg
"Nous nous arrêtâmes au bout du boulevard de la Madeleine, devant une boutique noirâtre. Elle commençait sur le trottoir qui était encombré de meubles hétéroclites, autour d'une très vieille pompe à incendie à laquelle était accroché un violon.
Le maître de ce commerce était très grand, très maigre et très sale. Il portait une barbe grise, et des cheveux de troubadour sortaient d'un grand chapeau d'artiste. Son air était mélancolique, et il fumait une pipe en terre.
Mon père lui avait déjà rendu visite et avait retenu quelques "meubles" : une commode, deux tables, et plusieurs fagots de morceaux de bois poli qui, selon, le brocanteur, devaient permettre de reconstituer six chaises. Il y avait aussi un petit canapé qui perdait ses entrailles comme un cheval de toréador, trois sommiers crevés, des paillasses à moitié vides, un bahut qui n'avait plus ses étagères, une gargoulette qui représentait assez schématiquement un coq et divers ustensiles de ménage que la rouille appareillait.
Le brocanteur nous aida à charger tout ce fourniment sur la charrette à bras, qui avait laissé tomber une béquille, comme font les ânes au printemps. Le tout  fut arrimé avec des cordes, qu'un long usage avait rendu chevelues. Puis, on fit les comptes. Après une sorte de méditation, le brocanteur regarda fixement mon père et dit :
- Ca fait cinquante francs!
- Ho ho! dit mon père, c'est trop cher!
- C'est cher, mais c'est beau, dit le brocanteur. La commode est d'époque!
Il montrait du doigt cette ruine vermoulue.
- Je le crois volontiers, dit mon père. Elle est certainement d'une époque, mais pas de la nôtre!
Le brocanteur prit un air dégoûté et dit :
- Vous aimez tellement le moderne?
- Ma foi, dit mon père, je n'achète pas ça pour un musée. C'est pour m'en servir.
Le vieillard parut attristé par cet aveu.
- Alors, dit-il, ça ne vous fait rien de penser que ce meuble a peut-être vu la reine Marie-Antoinette en chemise de nuit?
- D'après son état, dit mon père, ça ne m'étonnerait pas qu'il ait vu le roi Hérode en caleçons!
- Là, je vous arrête, dit le brocanteur, et je vais vous apprendre une chose : le roi Hérode avait peut-être des caleçons, mais il n'avait pas de commode!  Rien que des coffres à clous d'or, et des espèces de cocottes en bois. Je vous le dis parce que je suis honnête.
- Je vous remercie, dit mon père. Et puisque vous êtes honnête, vous me faites  le tout à trente-cinq francs.
Le brocanteur nous regarda tour à tour, hocha la tête avec un douloureux sourire, et déclara :
- Ce n'est pas possible, parce que je dois cinquante francs à mon propriétaire qui vient encaisser à midi.
- Alors, dit mon père indigné, si vous lui deviez cent francs, vous oseriez me les demander?
- Il faudrait bien! Où voulez-vous que je les prenne? Remarquez que si je ne  devais que quarante francs, je vous demanderais quarante. Si je devais trente, ça serait trente...
- Dans ce cas, dit mon père, je ferais mieux de revenir demain, quand vous l'aurez payé et que vous ne lui devrez plus rien...
- Ah maintenant, ce n'est plus possible! s'écria le brocanteur. Il est onze heures juste. Vous êtes tombé dans ce coup-là : vous n'avez plus le droit d'en sortir. D'ailleurs, je reconnais que vous n'avez pas eu de chance de venir aujourd'hui. Mais quoi! A chacun son destin! Vous, vous êtes jeune et frais, vous êtes droit comme un i, et vous avez deux yeux superbes : tant qu'il y aura des bossus et des borgnes, vous n'aurez pas le droit de vous plaindre, c'est cinquante francs!
(...) "
Marcel Pagnol - La gloire de mon père - Le livre de Poche n° 59136 -

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