Refermer le livre... après tous ces témoignages

Jean-Pierre Guéno écrit : "(...) le débarquement ne se résume pas au jour J : avant, il y a eu quatre années de conflit mondial. En France, quatre années de souffrances. De collaboration. De résistance. De disette. De marché noir. De magouilles et de débrouille. L'imbrication complexe de l'indifférence et de la solidarité, de l'antisémitisme et du catholicisme, du courage et de la lâcheté, de la résignation et de la rébellion, de la fange et du ciel... Avant il y a eu des tentatives, des répétitions heureuses ou malheureuses : les raids de 1940 et de 1941, le débarquement de Dieppe et le débarquement d'Afrique du Nord en 1942, les raids éclairs des commandos alliés, puis les débarquements de Sicile et d'Italie en 1943 et enfin l'opération Tigre en avril 1944...
(...)
Ce livre est dédié à Robert, à Franz, à Maurice, à Jack, à Helmut, à Rémy, à Charles, à Mildred, à James, à Joseph, à Iris, à Ernie, à Jackie et à leurs mères. Ce livre est dédié aux hommes mûrs qui dirent non au nazisme. Ce livre est dédié à tous ceux qui auraient eu 20 ans après la disparition de Hitler et qui, en nous offrant leur vie, ne profitèrent jamais de le liberté qu'ils rendirent aux enfants et aux petits-enfants de leurs ancêtres de la "vieille Europe".
Jean-Pierre Guéno
Paroles du jour J - Lettres et carnets du Débarquement, été 1944 - Librio n° 634.

Nécropole Nationale de Sigolsheim

Pourquoi cette photo? Ce cimetière militaire se trouve à plusieurs centaines de kilomètres des plages du Débarquement... Tout simplement parce que le 6 juin n'était qu'un tournant très important du conflit, mais que cela ne signifiait pas la fin de la guerre, des exactions, des bombardements, des déportations...
Commencée le 6 juin 1944, la bataille de Normandie durera jusqu'au 20 août... Le 9 août, les SS exécuteront une centaine de civils, par pendaison, à Tulle... Le 10 août, il y aura le
massacre d'Oradour sur Glane, pendant plusieurs mois encore les trains de déportés continueront de rouler vers les camps de concentration...Il y aura des exécutions, tandis que des villes et villages disparaîtront sous les bombes...
Je ne vais pas continuer ma comptabilité et mon rapport morbides... Cette nécropole je l'ai visitée il y a quelques années, et j'ai été émue d'y voir, des sépultures renfermant les restes de soldats de toutes confessions, parmi eux bien sur des croyants, et d'autres qui ne l'étaient pas. Ce qui me fait me souvenir de vers d'Aragon : "La rose et le réséda" - Celui qui croyait au ciel. Celui qui n'y croyait pas....! - Cette nécropole a été érigée en souvenir des terribles combats qui se sont déroulés aux alentours de Colmar en janvier et février 1945...donc bien après le jour J...Le seul camp de concentration implanté sur le sol français, en Alsace aussi, au Strutof ne sera découvert par les Alliés que le 23 novembre 1944, il avait été évacué par les nazis en septembre...La marche des Alliés se poursuivra à travers l'Europe...Auschwitz ne sera libéré qu'à la fin janvier 1945... La vieille Europe commençait à regagner sa liberté, mais dans quel état était elle?
A quelques kilomètres de ma maison, au niveau d'un col, il y a un monument qui rappelle le sacrifice des goumiers, à l'opposé un cimetière allemand...plus loin encore dans la plaine un "War Cemetery"... Tous ces jeunes hommes qui reposent dans une terre inconnue, loin de leur patrie, auront éternellement vingt-ans ou juste un peu plus. Il y a bientôt 70 ans qu'ils ont 20 ans...

Alors entre tristesse, indignation, colère, respect, je me récite cette poésie de Prévert :