Une frise de vigne vierge serpentait le long du mur de la cuisine. Un pochoir exécuté par les précédents locataires qui ne faisait que renforcer l'absence cruelle de vert naturel. Côté cour, un nid d'obscurité abritait quantité de voisins plus ou moins ressemblants... Nous pouvions admirer juste en face, l'éternel intellectuel de balcons, torse nu, un livre à la main, une roulée entre les lèvres. Plus bas, les cris de la voisine d'en face rivalisaient chaque vendredi avec les grincements de sommier sabbatiques du marseillais bottés... C'est dans cette ruche de bruits que notre alvéole bourdonnait elle aussi : les disputes incessantes et les récriminations intempestives rythmaient les procès d'intention et les mises en demeure. Nous répétions la même comédie que les voisins au cocker dont nous moquions les répliques théâtrales quelques années auparavant.
Je plongeais dans le lit drapé d'ennui, mes oreilles répondaient à l'appel d'un étrange clairon ivre mort. Un arbitre ne cessait de me sanctionner pour faute grave... Un carton rouge immérité que je contestais dans un sommeil agité par une foule de bruits interlopes. L'ingénieur du son en chef s'était trompé, les équalizers des basses étaient déréglés au maximum... La vie était devenue une discothèque infernale, une défaite de la musique absolue... La compagnie Créole, version techno, allait désormais me suivre dans mes moindres mouvements... si j'avais eu le cœur à chanter, j'aurais pu entonner "Ce soir, c'est ma boum, c'est ma folie"...