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Un homme affable 10.

Publié le 22 juin 2009 par Sophielucide

Selon Fabien, Clotilde ne s’exprimait guère au sujet de son crime et pourtant je sentais bien que le fringant avocat prenait un malin plaisir à me distiller les infos, tout en guettant ma réaction. Il attendait mes contradictions, c’était mon rôle d’apporter un éclairage indirect sur cette sombre histoire. J’étais persuadée qu’il ne m’avait pas encore tout dit. Elle avait forcément du s’expliquer sur sa motivation à « sauter le pas », rencontrer cet homme.  « Monter à Paris » comme on dit en province.  Clotilde n’avait rien d’une provinciale cependant, rien ne semblait l’étonner, elle portait un regard on ne peut plus détaché sur les faits déroulés. Des faits pour le moins abjects.  Un crime est odieux, par définition et il fallait relever d’une sacrée constitution tout de même pour s’y adonner. Répondre  à une violence ancestrale, peut-être. Laisser parler ses entrailles…Je partageais l’avis de Fabien d’aller chercher à la source les indices de cette violence . La source, c’est l’enfance, bien évidemment.  Je décidais d’appeler Fabien ; il n’était pas si tard et j’étais sûr qu’il étudiait son dossier ; je l’imaginais bien le compulser, faire les cent pas, y revenir,  à la recherche de cette foutue vérité. Celle qui lui échappait et l’empêchait de dormir du sommeil du juste.
Il répondit presqu’immédiatement en précisant qu’il était sur le point de m’appeler. Il était en route, sur le point d’arriver.
«  J’espère que tu es en tenue décente.. J’ai du nouveau… »
Je sortis en trombe de mon lit, enfilai un peignoir, retirai mes bigoudis et ma crème de nuit et remplis d’eau la bouilloire. Qui se mit à siffler lorsque la sonnette retentit.

« Mauvaise pioche, fit Fabien en s’emparant de la théière,  j’ai mieux en magasin » Il sortit une bouteille de rouge de la poche de son imperméable et commença un laïus sur le Bourgogne, son vin préféré, mésestimé parce que mal connu. Le tire-bouchon que je lui brandis le fit taire et je vérifiais en souriant qu’un homme ne parlait jamais en débouchant une bonne bouteille de vin.  C’est ce que j’avais toujours pu constater. Même au restaurant, lorsque cette noble tâche lui est retirée, il accompagne par son silence cet instant sacré.  J’avais toujours trouvé cela amusant ; c’est ce genre de détail qui vous fait vite regretter l’absence de cette charmante compagnie…  J’allai chercher mes verres en cristal, pris la peine de les faire briller et admirai alors la belle robe rubis dessiner ses volutes liquoreuses et nous donner le la.


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