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Un homme affable II.3

Publié le 24 juin 2009 par Sophielucide

Durant le monologue du témoin, je ne quittai pas Clotilde des yeux. Il me semblait qu’elle écoutait avec attention, en fronçant les sourcils. Avoir rempli ce rôle de cobaye auprès d’un couple en manque de sensations ne lui avait visiblement pas traversé l’esprit. Elle apprenait en même temps que nous cette fonction malsaine qu’elle avait remplie, un peu  malgré elle. Je la vis baisser la tête, accusant le coup, puis la hocher imperceptiblement comme si elle se défendait de croire en cette version.
Découvrir que la veuve éplorée n’était autre que cette Louve Solitaire, celle-là même qui n’hésitait pas à souligner avec un certain dédain ses fautes de frappe ou de syntaxe, me laissait, quant à moi plus que songeuse. Et pourtant j’étais prête à croire son interprétation. Parce que Charles était très fort pour susciter la compassion. A l’aise dans la souffrance qu’il alimentait savamment, il cherchait éperdument à ce qu’on comprenne et partage son désarroi. Je me souvins que nous avions mis fin à notre relation à la demande de son épouse ; ce sont exactement les termes qu’il avait employés, d’un air navré : « ma femme veut que je te quitte ».

Je lui avais ri au nez et c’est la dernière fois que j’avais rencontré son regard d’enfant abandonné. Quelques jours après notre rupture, il s’inscrivait sur ce site où malheureusement pour Clotilde, il l’avait prise pour objet de ses tristes fantasmes.

Le besoin d’attention de Charles ne connaissait aucune limite. Toujours en demande de preuves d’un amour discutable, il ne cessait dès qu’il les possédait de les discréditer. Ces quelques mois passés entre ses bras ne m’avaient apportés que frustrations  et amertume.  Son obsession pour sa femme m’avait lassée, jusqu’à ce que je lui interdise d’y faire mention, ce qui avait sonné le glas de notre relation. Finalement soulagée, je mesurai maintenant ce à côté de quoi j’étais passée. Aurais-je pu, à mon tour, commettre un tel geste ? Je ne pense pas, mais cette idée me glaçait le sang rétroactivement.

L’ allocution de la partie civile offrait sur un plateau d’argent les circonstances atténuantes que cherchaient les avocats de l’accusée depuis le début du procès.  Le dernier doute s’effaça lorsqu’à la demande appuyée de Fabien, Monique Massier revint sur ses premières déclarations concernant sa connaissance de la première épouse de son mari.  Ce qui clôtura la séance sur un nouveau point marqué en faveur de la défense.

Fabien, épuisé, s’affala sur son banc, sous le regard perdu de Clotilde.


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