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Un homme affable II.2

Publié le 24 juin 2009 par Sophielucide

Après un léger malaise, salué par un brouhaha général,Monique fit front. La main de mon voisin de dessinateur s’agrippa à son crayon, la mienneà mon stylo. Le silence se fit.

« Je reconnais le crime de m’être inscrite sur un forum de littérature sur Internet.

-Ainsi vous écrivez,vous-même ?

-On peut s’intéresser à la littérature sans écrire soi-même, vous savez.Mais je ne me déroberai pas : je suis devenue membre de ce site à la demande de mon mari qui m’a confié être sensible à la poésie de Clotilde.

-C’est ainsi qu’il vous en parlé ?

-Mon mari était professeur, c’était une vocation chez lui, il aimait chercher le talent et il m’a lu le soir même une courte nouvelle de cette auteure, la jeune Clotilde Nevers. J’ai beaucoup apprécié son style, sa concision, sa sincérité aussi 

-Nous n’allons pas parler de belles-lettres ici, madame, même si nous apprécions votre considération à notre égard. Votre mari s’est inscrit sur ce site en janvier 2007 et vous-même en octobre de cette même année. A –t-il mis du temps à trouver cette perle rare ou bien a-t-il tardé à vous en parler, à votre avis?

-Les deux certainement, il m’a proposé d’être le témoin privilégié de la sincérité de ses sentiments.Tout est sali à présent, tout ça n’a plus de sens. Mon mari souffrait si l’amour que nous éprouvions l’un pour l’autre n’était pas total. Il éprouvait ce besoin de ne rien me cacher, en se déconsidérant sans cesse, pour mieux se faire pardonner, sans doute… Charles était complexe, comme beaucoup d’entre nous. Empli de contradictions, faible bien sûr mais foncièrement bon. Si perversion, il y eut, elle se déroula entre nous, jamais je ne sais quel plan n’a été ourdi. Nous n’étions pas machiavélique, seulement très malheureux. J’ai vu la santé de mon mari péricliter au fil des mois. Il dépérissaità vue d’œil. J’ai pronostiqué une dépression, il se mettait à pleurer en plein dîner, souriait benoîtement à la concierge, s’était remis à boire, enfin, il n’était plus lui –même.Et puis, un soir, il m’a parlé. Il m’a assuré qu’au début, il avait éprouvé une certaine honte à se compromettre ainsi. Il tenait à satisfaire une curiosité bien légitime après tout. Ne faut-il pas vivre avec son temps ? Sans ignorer aucun des moyens technologiques mis à notre disposition ? C’était un peu comme un jeu, il pensait que peu de temps lui serait nécessaire pour s’assurer que ce qui se lit sur le web est sans qualité aucune. On parlait de tout sauf littérature, sur ces forums sur lesquels on ne croisait qu’un ramassis de névrosés, maniaques et autres psychopathes …c’est ce qu’on entend dans les dîners en ville.Cette condescendance certaine l’a attristé, je pense, c’est pour cela qu’il a voulu se faire sa propre idée.


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