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Un homme affable II.5

Publié le 24 juin 2009 par Sophielucide

Les deux policiers qui firent leur entrée, arboraient une mine désolée mais le fourgon ne pouvait plus attendre, Clotilde devait réintégrer sa cellule. Ils l’aidèrent à se lever en montrant pour la première fois peut-être une forme de respect.  «  Ça va aller, ne vous inquiétez-pas » ajoutèrent-ils en lançant à Fabien un clin d’œil inutile.
«  C’est quoi ces manières, tu peux me dire ? Non mais ! » Me raconta-t-il plus tard, en souriant.
Il était plus confiant que jamais. Il avait enfin su instaurer la confiance avec sa cliente, ce qu’il voulut fêter pas plus tard que le soir même en m’invitant au restaurant. Il me donna rendez-vous dans le petit bar-tabac en bas de chez moi, en début de soirée.
Je décidai de prendre un bain, un vague remords effleurant mon esprit alors que j’ouvrai les robinets et versai une bonne dose de produit moussant dans la baignoire. Je pouvais m’offrir ce petit luxe, de temps en temps tout de même. J’avais acquis comme mes concitoyens tout un tas de réflexes visant à sauver notre petite planète mais bon, une incartade de ma part n’allait pas l’empêcher de tourner, si ?
Je me sentais en phase avec cette jeune femme dans le box de l’accusé. Comme elle, je me sentais salie d’avoir été trahie par un amant capricieux. Nous aussi, nous nous étions laissés aller à correspondre et l’idée que cette femme ait pu lire ma prose me donnait la nausée. Peut-être même lui dictait-elle ses mails, qui sait ? Je m’interrogeais sur l’enchaînement entre notre rupture programmée et son inscription sur ce fameux site Internet. En était-elle à l’origine ? Cette idée de se focaliser sur une liaison uniquement épistolaire, donc a priori sans dangers, était-elle née de son propre cerveau ? Une forme de thérapie qu’elle pourrait suivre au plus près ? Tout était possible, maintenant qu’on connaissait leur degré d’intimité, cela me semblait tellement navrant qu’on puisse en arriver là que je me défendis d’y penser jusqu’au soir, sachant qu’immanquablement la discussion avec Fabien y reviendrait.
J’étais en avance et commandai un whisky en attendant mon hôte. La terrasse était pleine, de fumeurs pour la plupart qui bravaient la fraîcheur de cette soirée printanière pour s’adonner au vice qu’on regardait maintenant avec dédain. L’ère des héros-fumeurs était bel et bien derrière nous. On les voyait à la sortie des bureaux, allumer leur cigarette avec avidité avant de s’engouffrer dans le métro. On les plaignait presque, eux et leur ostensible faiblesse, eux et leur incapacité à se défaire de cette dépendance mortifère. Bientôt, des images écœurantes d’organes atrophiés viendraient remplacer les messages imbéciles sur les paquets de clopes. Poumons, cœur,  langue, cordes vocales en état de décomposition illustreraient la mort qui nous nargue à chaque bouffée.


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