Attention, On Mélange Pas Ses Soldes.

Publié le 25 juin 2009 par Mélina Loupia
Hier matin, alors que je tentais de faire le chat après avoir pris la position de l'étoile de mer, puis celle du camembert dans le lit, enfin, le conjugué vient me porter le café, touillé, au lit.

"Ce soir, je vais rentrer un peu plus tard.
-Oui, bien merci et toi?
-Non c'est parce qu'on fait la mise en place des soldes.
-Gné?"

J'ai pratiqué le saut de haie par-dessus sa tignasse, puis le dos des chats qui croient encore que la première chose que je fais le matin, c'est leur démouler une boite de boulettes au foie de thon, et ai sommé Simone de me dire quel jour on est.

"Mardi 23 juin".

Le temps de prévenir le CDI qu'il devrait trouver une excuse moins en bois pour aller flâner dans son magasin de PC favori après le boulot, la maison était déjà vide de quadra.

J'ai alors envie d'allumer la télé, l'ordi, mais je continue de croire que non, c'est impossible qu'on soit déjà la première semaine de juillet, que j'aie raté la fête de l'école primaire, celle de la Saint Jean et l'augmentation du SMIC.

Puis n'y tenant plus, je me recouche et laisse la radio brailler qu'il faut se ruer vers l'or bradé.

Putain alors c'est vrai, c'est les soldes demain.

Soit hier.

Mercredi 24 juin.
Fin de mois.
Fond de crise.

On frise même plus le ridicule, on vit avec.

C'est ce que je pensais, qu'on avait atteint le fond de la cuve économique.

Ou alors, avec le discours du Roi à sa Cour puis au peuple de lundi, le trou de la sécu et le remaniement à venir, fallait absolument faire consommer et se rendre heureux.

Mais non, même pas.

Le top du summum du ridicule des soldes, je l'ai vu et entendu hier, vers 19h et des copeaux de bois, dans l'émission socio-culturelle de M6, 100% maaaaaaaaaaaaaag.

J'étais couchée, avec une fièvre de Percheron, puisque dehors, il faisait pas assez chaud à mon goût.
Et voilà le marronnier de la semaine, les soldes.
Je m'attends à voir le magnéto classique, de la grille du Darty qui s'ouvre et du peuple en jogging et sac à main en sky qui se vautre sur le lave-linge.
Et je m'interloque.

"Désormais, les commerçants ne savent plus quoi faire pour attirer le chaland, certains payent donc les crèches aux mamans d'enfants en bas âge qui veulent élargir le découvert en toute sérénité. D'autres vont encore plus loin et proposent la livraison d'articles soldés à domicile, pour 20€ de plus."

Le reportage montre alors ce jeune, obséquieux et dynamique vendeur, à la porte d'un appartement D&Co.
Une jeune bourgeoise-bohème l'invite spontanément à pénétrer son salon.

"Comme convenu, je vous livre vos 3 paires de chaussures, que vous allez pouvoir essayer en toute tranquillité.
-Ouais mais c'est super."

Elle essaye, assise sur son canapé, son cadre supérieur d'époux portant sur son ventre le fruit calculé de leur amour raisonné. Un chiard qui ne doit pas avoir plus de 2 mois d'heures de vol.

Elle est ravie, fait 3 fois le tour de sa table de salon et témoigne à visage découvert que franchement, c'est super sympa comme initiative, pour elle, qui vient à peine d'accoucher et qui veut bien faire des concessions maternelles, mais certainement pas celle de faire les soldes. Juste, pas comme tout le monde, tu penses.

Et avant qu'on ne revoit Estelle Denis agiter son bras droit comme Guignol, l'image de la fin du reportage.

La jeune mère plus attentive à la caméra qu'aux 2 hommes de sa vie sort une minuscule paire de chaussures immondes, couleur ventre de taupe en nubuck et à petits lacets, comme papa, du papier de soie que remplit une boite.
Et c'est là que finalement, on apprend que son mari est doué du sens de la parole.
Et il en use.

"Oh, des Weston, comme papa."

J'ai pris 4 doliprane d'un coup.

Le repas ridicule - Poetes & chansons - Raymond Queneau