Province de Safi, royaume du Maroc. Beauté austère des reliefs et rondeurs arides des dunes. Un frisson semble parcourir la peau lustrée du sloughi. Les muscles sont plats, les aplombs solides. Dans son oeil couleur topaze brûlée, on voit flotter la lueur de l'aube, l'heure où les lièvres manquent de vigilance. Un mouvement aura suffi derrière un maquis d'herbes sèches. Vif comme l'éclair, le limier colle bientôt au train de l'animal, le saisit par les oreilles, secoue la tête et l'offre, étourdi mais bien vivant, à son maître. Ces paysages aux cent visages abritent une histoire à fleur de sable, une alliance qui depuis des millénaires, rappelle à la mémoire que le sloughi, lévrier arabe d'Afrique du Nord, n'est pas un chien comme un autre, qu'il a jadis été couvert de bijoux et allaité par les femmes, et que, dès l'Antiquité, il n'a jamais trouvé son égal pour chasser la gazelle de montagne, la hyène et l'autruche. Des peintures rupestres qui remontent à 8 000 ans avant J.-C., sur les parois des grottes du Tassili n'Ajjer dans le Sahara, représentent déjà ce type de chien, aux formes minces et allongées. Par ses qualités de chasseur et sa noblesse, il est considéré comme une créature unique. Ce statut particulier lui donne le privilège d'entrer sous la tente de l'homme, Bédouin ou Berbère, de partager la couche de son maître s'il a froid et de protéger du chacal des troupeaux de chèvres. Il est le seul chien admiré par la culture islamique qui juge généralement cet animal impur pour sa sexualité débridée et sa tendance à se nourrir de déchets. Il est dit d'ailleurs que causer la mort d'un tel chien est aussi grave que de tuer sept humains et que l'honneur d'un homme ne vaut rien s'il ne sait percevoir le chagrin de son fidèle sloughi.
Boris Cyrulnik - La fabuleuse aventure des hommes et des animaux - Pluriel - Hachette Littératures -
Sloughi (photo trouvée sur le net)