Mondes animaux et mondes humains...

Publié le 28 juin 2009 par Araucaria

L'étude des comportements
Quand bien même l'éthologie (du grec êthos, "moeurs", et "logos", "discours" trouve ses origines au XVIIème siècle et se définit alors comme "la science historique des moeurs et des faits moraux", cette science des comportements se développera avec les travaux de Konrad Lorenz, de Nikolaas Tinbergen et de Karl von Frisch dans les années 1950. Ce domaine de recherche a depuis maintes fois confirmé la théorie du naturaliste Darwin : il existe bel et bien une continuité entre les êtres vivants. Précisément, tout l'enjeu de l'éthologie réside dans le fait de démêler les analogies sans risquer de confondre nature humaine et nature animale. Il n'est pas question de soutenir que le comportement social de la marmotte relève du comportement social des humains. Il s'agit même de suivre la démarche inverse. L'éthologie s'intéresse à des comportements globaux qui caractérisent les êtres vivants : les conflits, le maternage, la sexualité. Elle étudie le répertoire comportemental qui caractérise l'espèce et sa manière de vivre dans un milieu donné. L'éthologue va sur le terrain, observe l'animal dans son existence et se laisse imprégner par la vie naturelle jusqu'à ce qu'apparaisse une situation qui suscite le questionnement et fasse évoluer les théories et les idées reçues. C'est ce qui permet aujourd'hui de dire que la conscience de soi, l'outil, la bipédie, la chasse, le tabou de l'inceste, les traditions, le rire, le jeu, la souffrance, la morale, le sens de la famille, toutes ces conquêtes qui jadis ont servi à distinguer l'humain de l'animal ne sont plus désormais le propre de l'homme.
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La réconciliation
Les bêtes ont sans aucun doute participé à la condition humaines et nos destins restent intimement liés. Maintenant que nous découvrons les animaux comme des individus et non plus comme des machines ou des idoles, il va bien falloir les côtoyer d'une autre manière. De fait, les repères confortables qui ont été les nôtres pendant des siècles, validés par des théories répétées en boucle, sont remis en question. Et ce sont ces perspectives qui dessinent désormais l'avenir : si les animaux ne sont plus des outils, que devient notre légitimité à les exploiter? En niant le respect de la vie animale, n'avons-nous pas d'ailleurs, en maintes occasions, manqué de recul par rapport à la portée même de nos actes sur l'homme? "Repenser le propre de l'homme nécessite de faire la paix avec l'animal", nous dit le philosophe Dominique Lestel. Curieusement, ce qui nous semble à nous Occidentaux comme une révélation, voire une leçon d'écologie, a toujours été pour de nombreux peuples traditionnels une évidence et un art de vivre.
Sur cette notion à la fois si simple et si profondément essentielle, ils ont posé les bases de leurs sociétés, se sont organisés en harmonie avec la nature en la considérant comme une entité parfaitement autonome et non comme une planète étrangère à conquérir pour mieux l'asservir. Ce sont l'expérience de ces populations, leurs relations entretenues avec les animaux et avec leur environnement, combinées avec les découvertes scientifiques, qui doivent nous apporter la clef pour nous réconcilier avec le monde animal sans tourner le dos à l'homme. Ceux qui ne supporteront pas cet incroyable bouleversement et ces nouvelles connaissances retourneront aux croyances antérieures, plus gratifiantes pour leur narcissisme. Les autres tenteront la poursuite de cette aventure scientifique et humaine, et permettront de soulever d'étonnantes questions venues du monde animal.
Boris Cyrulnik - La fabuleuse aventure des hommes et des animaux - Pluriel - Hachette Littératures -