On était au rayon surgelé du supermarché et elle m’avait demandé où je partais pendant mes vacances ; je lui avais répondu simplement.
- En Angleterre.
C’est à ce moment-là qu’elle m’a servi sa diatribe sur l’Angleterre et les Anglais.
- Comment ? Me dis pas que tu vas filer du fric à ces égoïstes qui veulent même pas de l’euro et qui sont même pas capable d’aligner deux mots en français ! Ya pas pire qu’un anglais ! Enfin si, deux anglais !
Et en plus, elle se trouvait drôle. Je savais que deux ans plus tôt elle s’était séparée de son mari qui était anglais. J’imagine qu’elle lui en voulait encore et que l’Angleterre servait à épancher sa poche d’humeur maritale. J’ai voulu passer au rayon « produits frais », mais elle a bloqué mon chariot de son corps et a rajouté.
- Et tu sais qu’en plus ils baisent mal, les Anglais ?
J’ai rétorqué, gênée.
- Mais, mais … j’y vais pour faire du tourisme !
- Je me doute, a-t-elle répliqué, mais si l’envie te prenait je te les déconseille formellement.
A ce moment-là, j’ai empoigné fermement mon chariot et j’ai commencé à faire mine de partir, mais elle n’avait pas fini son pamphlet anti-Anglais.
- Tu sais que j’ai été mariée à un Anglais ?
- Oui, bien sûr, puisque vous étiez venus manger à la maison tous les deux.
- C’est pour ça que je peux en parler en connaissance de cause. Il n’y a pas de peuple plus autiste et plus coincé que les Anglais. Et puis leurs hôtels ! Leurs hôtels c’est de la merde, sans parler de leurs transports en commun…
La situation devenait on ne peut plus embarrassante ; elle parlait de plus en plus fort en faisant de grands moulinets avec ses bras. J’ai soudain trouvé une porte de sortie.
- Tu sais que je vais me marier ?
- Non, je l’ignorais. Et avec qui ?
- Avec un anglais.
J’ai vu son corps se ratatiner et son visage se décomposer ; j’en ai profité pour battre en retraite.
* texte écrit dans le cadre des ateliers des « impromptus littéraires »