En lisant Marc Levy et Pierre Michon, Michael Connelly, Walter Benjamin et Cormac McCarthy. De l'oeuvre littéraire et de son noyau. Des écrivains et des pros...
Paul Léautaud écrit quelque part que la lecture de mauvais livres, dont l’écriture est « de carton », nous aide souvent à mieux voir ce qu’est une écriture de qualité. Or en lisant, par curiosité, Le Premier jour de Marc Levy, l’idée d’un «mauvais livre» ne m’est même pas venue, et je me fusse trouvé bien cuistre d’en juger dans les mêmes termes que je jugerais du dernier livre, disons, de Pierre Michon, pour faire image de très grand écart. Me rappelant ce que j’ai toujours cherché dans un livre, à savoir son noyau poétique, qui se perçoit le plus souvent au fil des premières pages et à fleur de peau, si l’on admet qu’un texte ait une peau, je n’ai fait que sourire en lisant les premières pages du Premier jour de Marc Levy, à commencer par ceci : « Le soleil se levait à la pointe est de l’Afrique. Le site archéologique de la vallée de l’Omo aurait déjà dû s’éclairer des premières lueurs orangées de l’aube, mais ce matin-là ne ressemblait à aucun autre »...
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Ernst Jünger disait quelque part que, dans un livre organiquement tenu et vivant, vivant comme une peau dont l’âme émane pour ainsi dire, tous les points de la circonférence se trouvent liés à son noyau qu’on atteint donc en les effleurant. Walter Benjamin dit à peu près la même chose, ou plus exactement : il le vit. Et de même Pierre Michon, qui le vit et le danse en écrivant.
Or, peut-on vivre un texte fabriqué tel que Le Premier jour de Marc Levy comme on vit un texte de Pierre Michon ? On le peut sans doute selon ce qu’on attend d’un texte, mais le goût du lecteur est-il un bon critère, et de savoir que quinze millions de lectrices et lecteurs raffoleront du Premier jour suffit-il à se convaincre que ce livre est plus qu’un objet fabriqué de consommation dont le noyau poétique est le cliché d’un soleil africain se levant àla faveur d'un jour sans pareil ? Marc Levy lui-même n’aspire pas, probablement, à un autre statut que celui d’un artisan – on dit aujourd’hui un bon pro. Or le mépris de pas mal de « littéraires » à son endroit ne fait qu’accentuer le malentendu, dans une confusion qui ressortit au Système général bien plus qu’à tel ou tel « best », comme l’avait observé Walter Benjamin dès les années 1920.
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