Le parc Ueno, à Tokyo, est undes endroits les plus populaires. Les gens y viennent à la sortie des bureaux s’asseoir sur un banc, lire le journal et observer les oiseaux à l’écart de l’agitation des quartiers d’affaires. Les amoureux s’y retrouvent aussi, tournant en solitaires la main dans la main autour du petit lac engorgé de nénuphars géants.
Mais il n’y a pas seulement les amoureux, les touristes et les salariés en fin de journée. Il y a aussi les sans domicile fixe, ceux et celles qui ont été mis sur la touche par un système aussi impitoyable là qu’ailleurs, et par une société qui l’est peut-être encore plus que les autres, tant il importe avant tout d’y sauvegarder les apparences. En me baladant parmi tous ces gens, j’entends encore les propos de L.D.: « c’est une société si peu compassionnelle, ici ». Oui, les chômeurs ont honte de l’être, souvent le cachent à leurs proches (voir l’excellent « Tokyo Sonata » dont j’ai déjà parlé ici ) et après quelques semaines d’indemnisation, perdent pied peu à peu.
Certains ont investi les bancs en bordure du parc, un peu à l’écart du flux des passants, ils ont installé leur fourbi, leur petit chariot, leur « caddy », un peu protégé par un parapluie en plastique en vente à 499 yens (3 euros 50) au « 7-eleven ». D’autres attendent que le soleil décline pour s’allonger sur les bancs. L’un d’eux, qui a encore une volonté de bien paraître (mais tous ne l’ont-ils pas ?) se change en cachette à proximité de son « armoire » mobile.
Quant à cette femme isolée, elle est comme un écho de l’excellent article récent de Philippe Pons dans « Le Monde » (édition du 10/06/09), sur « les naufragées de Tokyo », celles qui doivent marcher toute la journée afin de fuir la violence, fréquente entre exclus (des hommes contre les femmes). Elle se cache entre deux arbres et derrière une haie d’ajoncs, n’est découverte que sur un côté, auquel elle tourne le dos. Elle aussi fait ce qu’elle peut pour paraître présentable et garde d’une époque plus propice un baladeur MP3 pour écouter de la musique.
Noter que les gens ne mendient pas, ne vous arrêtent pas pour vous demander cent balles, cela sans doute leur apparaîtrait comme une honte ineffaçable, ils vont de poubelle en poubelle, passent leur main dans les réceptacles de monnaie des distributeurs de toutes sortes, des fois qu’une pièce y soit restée, ou bien vont dans les arrière-cuisines des restaurants pour recevoir des restes de riz ou de nouilles bouillies (voir dans « Nobody knows », de Kore-Eda, comment les enfants laissés à l’abandon parviennent quand même à se nourrir).
celui-là mendie… (moine mendiant)