Thriller dans le bus

Publié le 29 juin 2009 par Anaïs Valente

(NB : ce billet fut écrit en mai dernier, le titre n'a dès lors rien à voir avec le décès récent de Michaël Jackson...)

A l'heure où je vous écris ces lignes, mes doigts sont encore tous tremblotants sur le clavier, tant la frayeur causée par l'épisode que je viens de vivre se ressent encore dans chaque cellule de mon corps (oh comme c'est beau ce que j'écris).

Il est 7h30, en cette journée qui s'annonce radieuse.  Je me balade, comme Perrette, vers l'arrêt de bus, légère et court vêtue.  Il fait tout de même frisquet et je me réjouis de pénétrer dans un bus surchauffé pour que mes petits petons congelés puissent survivre.  A peine à l'arrêt, voilà le bus qui débarque, que du bonheur.

Une journée qui commence bien.

J'entre.  J'hésite un instant à m'installer à la première place, juste derrière le siège du chauffeur, la place oùsque je suis toute écrasée contre un panneau bien souvent orné d'une pub dépassée et oùsque je ne vois rien du paysage.  Mais le reste du bus est presque vide et j'opte donc pour la troisième place, où je peux étendre mes jambes et mon barda (deux sacs, mon repas, un livre, de la paperasse et tout ce dont une femme a besoin pour une journée de travail).  Je m'avachis, j'extirpe mon livre de mon sac et je me plonge dans la lecture.

Arrive ensuite un Monsieur à l'allure débonnaire (ce mot m'est venu directement en tête, mais j'avoue que j'en ignore la signification exacte - que dit Robert ?  « D'une bonté extrême », argh c'est pas ça), à l'allure patibulaire (que dit Robert ? « Inquiétant, sinistre », oui, ça colle mieux), donc à l'allure patibulaire.  Il tend un billet de 20 zeuros au chauffeur pour prendre un ticket.  Le chauffeur lui répond calmement qu'il ne peut changer que sur 5 zeuros, qu'il commence sa journée, qu'il n'a pas de monnaie.  L'individu tente de l'amadouer, en vain.  Le chauffeur lui conseille d'aller changer son billet dans un magasin à proximité, et de prendre le bus suivant.  Bon conseil.  Que ne suit pas notre individu, qui hausse de plus en plus le ton, au fur et à mesure que je me ratatine sur mon siège.  Il se met alors à tutoyer le chauffeur, le traiter d'imbécile, refuse de descendre du bus et vient s'asseoir deux sièges derrière moi.  Damned, me voici coincée entre un chauffeur exaspéré mais néanmoins calme et un passager n'ayant pas payé et au bord de la crise d'hystérie, qui continue à marmonner des trucs incompréhensibles, mais que je soupçonne ne pas être très gentils, dans la barbe qu'il n'a pas.  Il se met ensuite à hurler à nouveau, et je me retrouve totalement prise en sandwich entre les cris stridents qui fusent de toutes parts.  Je ferme les yeux, comme pour oublier.  Je fais semblant de me concentrer sur ma lecture, dont je ne parviens pas à retenir un seul mot.  J'aime pô ça moi, les gens agressifs alors qu'ils sont en tort.

Le chauffeur appelle alors la sécurité et le service contrôle, pour faire verbaliser le passager clandestin, et poursuit sa route.  Le calme envahit le bus.  On respire cependant très mal.  Je sens la présence du clandestin derrière moi, je ressens son énervement.  J'imagine alors les pires scénarios, où le chauffeur refuse de laisser descendre qui que ce soit en attendant la sécurité, où l'individu prend le bus en otage et attrape la première victime à portée de main, savoir moi, lui met un couteau sur la gorge et menace de la lui trancher (la gorge) si on ne le laisse pas s'échapper, ou pire, si on ne lui fournit pas un hélico et un million d'euros.  Angoisse angoisse angoisse.

A proximité de la gare, le chauffeur brise le silence en annonçant que la sécurité est indisponible et que c'est une chance pour le resquilleur.  Quelle idée aussi de le provoquer à nouveau.  Je me fais toute petite sur mon siège.  Je tente de disparaître sous ledit siège, mais chuis trop grosse.  Angoisse angoisse angoisse.  Le chauffeur reste cependant calme, tandis que son nouvel ennemi se lance encore et encore dans des insultes et des menaces verbales (trou du cul, imbécile, et j'en passe), avant de conclure par un « et tu me parles poliment » (sic).  Le chauffeur tente de le mettre dehors et je sens la bagarre arriver.  Heureusement, aucun des deux ne semble armé, sinon le pire arriverait, c'est certain, vu l'électricité qui flotte dans l'air.

Terminus, enfin.  Tout le monde descend.  Ou presque.  Notre passager énervé continue son monologue agressif, puis finit par descendre, pour continuer ses insultes derrière la vitre du bus, encore et encore et encore et encore...

Je descends, non sans avoir souhaité une « bonne journée quand même » au chauffeur.  Je réalise encore à quel point ces montées d'agressivité sont angoissantes, et pourtant si fréquentes.  Et même si les chauffeurs m'énervent souvent, avec leur manière de conduire comme sur un circuit de formule 1, la joie intense qu'ils ont à n'ouvrir qu'une porte lorsqu'il pleut des seaux et leur manie d'être toujours en avance quand je suis en retard ou en retard quand je suis en avance, je les plains d'avoir à subir ça.  J'en arriverais presque à comprendre les mouvements de grève, car il est totalement anormal de devoir bosser la peur au ventre, sans savoir si la journée sera tranquille ou menaçante...

PS : J'ai vachement admiré le flegme du chauffeur, qui a su garder son calme.  Le seul reproche que je lui ferais : une remarque à caractère raciste, « ça se croit tout permis, ces gens-là ».  ça, c'est nul.  Très nul.