Magritte, ma gratte et nous deux dans ta grotte
As-tu remarqué, mon amour, qu’à peine ouvert, le musée nouveau-né sent déjà le renfermé ? L’air y est froid, conditionné au ton des visiteurs en mal de commentaires. Alors qu’ils devraient se préoccuper du comment se taire. Faire bon usage de la parole au sens propre comme au figuré…
Dis-moi, comment ma guitare canaille aux pieds nickelés, pourrait rendre les couleurs rebelles d’un ré 7em diminué? Comment faire un pied de nez aux regards sérieux des visiteurs encravatés ?
Traçons le climat propice. Le temps d’ajuster un boule sur ma tête de publicitaire, au regard imbécile, et je plaque un accord de do, en traître, in memoriam. En hommage affiché à ces dessins dada qui font dodo à tout jamais.
Quoique j’en dise, Maître, tu demeures au moins un mètre au dessus des mots et des images. Sur le réel, alité, improbable … comme après l’explosion de tes toiles exposées.
Demi tour, il ne peut y avoir de sens à la visite. Cela ne se fait pas d’empêcher les toiles de respirer. Côté pipe ou côté farce ? Soyons vache. Pas besoin d’avoir peur. Rien n’est arrêté. Il suffit de tout revoir avec étonnement..
Prends moi dans tes bras, mon aimée, mi femme mi nuage, car j’ai le blues des notes en mineur. Je veux mettre le haut la à la tyrannie des souvenirs d’enfance. Pas besoin de les évoquer à la saveur des larmes, pour passer au sol, les pieds dans les nuages.
A l’art… me disait le conservateur en levant son verre de lunettes. Mais interdiction de le voler.
Tiens…un envol de nuages paysages ! Serait ce encore l’été ou déjà l’avoir été ?
Comme ces oiseaux plantés en épis, j’épie les sorties de cadre….j’attends l’échappée belle. Comme un joueur, je ressasse en secret mes blagues de potache, mes pétards mouillés. Je mute en silence. Et si la douleur de mes bourgeons naissants me crispe le dos, c’est parce que je prends racine ici dans l’ailleurs.
Des femmes plâtrées rêvassent à demi nues devant des arbres- maisons d’enfance… pour rire.
Les guides, eux, parlent raison dans toutes les mauvaises langues. Pourquoi ont-ils oublié la poésie de la déraison de l’imaginaire ? Personne ne chante en fa. C’est triste, tu ne trouves pas ? Quand un musée ne laisse pas s’amuser, c’est un a-musée. Assez de visites de courtoisie, ces toiles ne devaient pas être des références… mais des irrévérences rebelles. Pour provoquer nos habitudes. Pour jalonner nos raccourcis de pensées plurielles.
Alors que les portes des tableaux de Magritte laissent passer les ombres, les murmures de ma gratte se découpent sans ombre portée. . Jouons, mon amour, la vie n’est rien d’autre que du théâtre. Dansons avec nos masques comme des démons pervers. Masquons nos pommes, car à l’évidence il n’y aura rien d’autre dans l’au-delà.
La douleur du réel me crispe le dos. Pour me consoler, tu évoques notre prochaine exposition au soleil. Nous penserons des vacances en couleurs. Laisserons nos images s’accoler. Un souffle de vent finira bien par venir perturber notre toile. Hors les cadres, je te l’accorde, tout s’assemble. Même les arts sont plus beaux sans dorures. Délestons nous de notre passé détestable. Seul notre présent réinventera du sens futur. Allons le rêver dans ta grotte. Renouons avec l’énigme. Ne reconnaissant que l’illusion de nos noms. Vierges de tout passé composé. Riches de toutes les métaphores.Fais moi l’amour très fort….surréalistement.