Scène VI
KOUGNONBAF – BIFENBAF – LYNDA
LYNDA
Attendez-moi ici, les enfants !
BIFENBAF
Je ne suis pas tes enfants.
KOUGNONBAF
Mais je n’ai rien dit !
BIFENBAF
Où en étions-nous ?
KOUGNONBAF
À Lynda.
BIFENBAF (soupirant)
Ah !... Lynda.
KOUGNONBAF
Lynda la peste !
BIFENBAF
Lynda la chipie !
KOUGNONBAF
Lynda la garce !
BIFENBAF
Lynda la débauchée !
KOUGNONBAF
Lynda la perfide !
BIFENBAF
Lynda la sulfureuse !
KOUGNONBAF
Lynda la dépravée !
BIFENBAF
Lynda la droguée !
KOUGNONBAF
Lynda la dealeuse !
BIFENBAF
À mort Lynda !
KOUGNONBAF
Que le diable l’emporte !
BIFENBAF
Que le bigre l’étripe !
KOUGNONBAF
Que le diantre la cuise.
BIFENBAF
Que Bélial lui tire les doigts de pieds !
KOUGNONBAF
Que Belzébuth lui taille les oreilles en pointe !
BIFENBAF
Enfin elle et morte !
KOUGNONBAF
Bon débarras !
BIFENBAF (apercevant Lynda)
Mais regarde un peu qui voilà !
KOUGNONBAF
Une sauterelle !
BIFENBAF
Une souris !
KOUGNONBAF
Une greluche !
BIFENBAF
Une musaraigne !
KOUGNONBAF
Viens boire un coup avec nous. Il reste encore une petite goutte… Justine… Justine ‘tite goutte. À la santé de Justine.
BIFENBAF
Vive Justine !
KOUGNONBAF
Allez ! Ne fais pas ta bêcheuse, viens boire un verre avec nous.
LYNDA
En quel honneur !
BIFENBAF
Nous fêtons, à grand renfort de champagne, la mort et l’enterrement de Lynda.
KOUGNONBAF
De Lynda la pétasse.
LYNDA
La pétasse ?
KOUGNONBAF
Tu la connais ?
LYNDA
Un peu.
KOUGNONBAF
C’est une mocheté.
LYNDA
Une mocheté ?
KOUGNONBAF
Une vraie, une pure, un authentique.
BIFENBAF
Il ne faut pas exagérer, Ottobus… rail… Ottokar. Elle n’est pas si moche que ça.
KOUGNONBAF
Elle est moche. Ne fais pas attention à lui, Justine. Il est complètement bourré. Trois malheureux litres de champagne de la Marilyn… Maritza. Miroslav, il est tellement amoureux de cette Lynda qu’il est prêt à vendre son âme au diable pour pouvoir l’épouser.
LYNDA
C’est vrai ça, Miroslav ?
KOUGNONBAF
Et en plus il ne voit pas clair, Miroslav, complètement miro. Tellement miro, Miroslav, qu’il la trouve belle. Mais Lynda elle n’est pas belle, elle est moche, elle est très moche, encore plus moche que toi, ce n’est pas peu dire.
(Lynda lui donne une paire de gifles.)
Mais qu’est-ce que j’ai dit ?
BIFENBAF
Elle ne t’a pas loupé, Justine.
LYNDA
Ces belles choses étant dites, buvons à la santé de Lynda la moche.
KOUGNONBAF
À la mort de Lynda.
BIFENBAF
À l’enterrement de Lynda.
LYNDA
À la résurrection de Lynda.
BIFENBAF
C’est Lynda ! C’est elle, je te dis, c’est elle !
KOUGNONBAF
Lynda ? Où ça ?
BIFENBAF
En face de toi, imbécile. Tu ne la reconnais pas ?
KOUGNONBAF
Mais ce n’est pas possible ? Lynda est à Paris.
LYNDA
Je suis rentrée plus tôt que prévu. Et j’aurai quelques mots à vous dire, messieurs. Comment se fait-il que dans cette salle qui a vu les dernières minutes de mon père, vous organisiez une beuverie.
KOUGNONBAF
Je…
BIFENBAF
Nous…
LYNDA
Votre attitude indigne insulte sa mémoire. Je vous châtierai avec la plus grande sévérité. Je vous laisse seulement le temps de dégriser, ensuite je vous convoquerai chacun dans mon bureau. Je veux votre emploi du temps détaillé pendant toute mon absence. Vous pouvez disposer.
KOUGNONBAF
Oh ! là ! là ! là ! là !
BIFENBAF
Ça va chauffer pour nos oreilles.
KOUGNONBAF
En ce qui concerne les miennes, ça commence déjà.
BIFENBAF
Trouve quelque chose, Ottokar. Tire-nous de ce pastis !
KOUGNONBAF
Je ne me sens pas bien, j’ai mal au cœur.
LYNDA
J’ai dit : « Vous pouvez disposer ». Ça veut dire : Dehors !
(Sortent Kougnonbaf et Bifenbaf, Lynda invite ses nouveaux amis à entrer.)
Scène VII
LYNDA – Mohammed – Mamadou – Julien – Mansinque – Yakouba – Moussa – Valérie – FABIEN – FABIENNE
LYNDA
Soyez les bienvenus chez moi.
MOHAMMED
C’est chez toi ici ?
MOUSSA
C’est plus grand que chez nous.
LYNDA
Maintenant c’est aussi chez toi, Moussa.
MOUSSA
Chouette !
JULIEN
C’est Versailles ici.
LYNDA
Tout de même pas, mais la Syldurie est plutôt fière de son palais, de sa galerie d’art et sa bibliothèque royale, maintenant ouverte à tous.
VALÉRIE
C’est vraiment gentil de nous accueillir ici, Lynda, mais loin de Youssouf, le plus merveilleux palais sera pour moi comme une prison.
LYNDA
Ne sois pas triste, Valérie. Youssouf te sera bientôt rendu, je te le promets.
VALÉRIE
Merci.
MANSIQUE
Traverser ton pays en avion valait le coup d’œil. La Beauce vue du ciel n’est pas aussi jolie.
LYNDA
Mon pays est le plus beau pays du monde.
YAKOUBA
Yssouvrez ne viendra pas nous chercher ici, c’est sûr.
MAMADOU
Nous allons nous plaire dans cette maison.
LYNDA
Malheureusement pour vous deux, Mohammed et toi n’y resterez qu’une nuit. Dès demain, je vous livrerai à la police royale qui vous conduira au centre de détention. Rassurez-vous, les conditions de vie y sont très humaines. Et cela fait partie de notre contrat.
MAMADOU
Nous ne l’avons pas oublié, Lynda, et nous ne voulons pas trahir ta confiance.
LYNDA
Je veillerai à ce que vous soyez jugés dans les jours qui viennent. Et comme je vous l’ai dit, je témoignerai en votre faveur de votre repentir et de votre désir de commencer une nouvelle vie. Je saurais convaincre le juge, et toi, ne t’avises pas de te présenter devant lui avec ta casquette à l’envers.
MOHAMMED
Ton avis pèsera lourd.
FABIEN (remarquant les trois bouteilles vides)
Mais dis-moi, on n’engendre pas la mélancolie chez toi.
LYNDA
Ces lamentables marquis ont profité de mon absence pour mettre la maison en désordre. Je les punirai sans aucune indulgence.
FABIENNE
S’il y a quelques baffes à donner, je suis toujours partante.
LYNDA
Mais vous avez besoin de repos, notre servante Antonia va vous diriger vers vos chambres. Quant à moi, je vous rejoindra plus tard.
Scène VIII
LYNDA – ÉVa
( Lynda se retrouve seule. Elle trouve les journaux laissés sur place par les marquis, qu’elle lit attentivement.)
LYNDA
Alors là, mon petit père, tu vas me le payer !
(Entre Éva.)
ÉVA
Lynda ?
LYNDA
Tu es surprise de me voir ? J’aurais dû te prévenir. Excuse-moi ! J’ai finalement écourté mon séjour.
ÉVA
J’ai bien lieu d’être étonnée ! Oh ! Ma sœur ! Quelle joie ! Je te croyais morte.
LYNDA
Morte ? Moi ? En voilà une idée !
ÉVA
Tes aventures parisiennes se sont donc bien terminées. J’en avais reçu d’autres échos.
LYNDA
Je te raconterai tout cela en détail.
ÉVA
Oh ! Oui ! J’ai eu si peur. Je croyais ne plus te revoir.
LYNDA
Eh ! bien ! Tu m’as revue. La vie va reprendre son cours et nos péripéties, je l’espère, s’achèvent ici. Reposons-nous un peu avant de nous remettre au travail.
ÉVA
Ma pauvre ! Si je t’avais perdue ! Mon deuil aurait assombri la bonne nouvelle.
LYNDA
Mais enfin, de quoi parles-tu ? Quel deuil ? Quelle bonne nouvelle ?
ÉVA
Je vais me marier ?
LYNDA
Tu vas te marier ? Toi ? En effet, si j’étais morte, je n’aurais pas pu venir à ta noce. Ç’aurait été dommage. Et qui est donc l’élu de ton cœur ?
ÉVA
Otto.
LYNDA
Otto ?
ÉVA
Ottokar.
LYNDA
Qui ça ? Ottokar ?
ÉVA
Ottokar de Kougnonbaf.
LYNDA
Quoi?
ÉVA
Ottokar m’a demandé ma main.
LYNDA
Madame Éva de Kougnonbaf ! Je m’attendais à mieux.
ÉVA
Tu n’aimes donc pas mon fiancé ?
LYNDA
Ne t’avais-je pas mise en garde avant mon départ : « Méfie-toi des Marquis et de leur hypocrisie. » Et le mieux que tu trouves à faire, c’est de les épouser.
ÉVA
Enfin, Lynda, tu es trop suspicieuse. Ottokar est un homme charmant, et plein d’attentions pour moi.
LYNDA (lui tendant les journaux)
Regarde donc ce qui sort des rotatives de ton cher Otto.
ÉVA
Je sais, je sais. Il m’a promis de régler ce problème.
LYNDA
Il a intérêt. Nous avons besoin de faire une petite mise au point, tous les deux. Quand je lui aurai réglé son compte, tu passeras me voir dans mon bureau.
ÉVA
Celle-là, c’est la meilleure !