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Un homme affable III.2

Publié le 29 juin 2009 par Sophielucide

J’ai quitté la maison  le soir même; je n’avais plus rien à y faire. Je subvenais déjà à mes besoins en travaillant pour payer mes études. J’ai décidé de fêter ma majorité en commençant par perdre ma virginité. Cela faisait partie des rites de passage que je m’imposais moi-même.  J’ai rejoint dans un bar une bande d’amis qui se fréquentaient régulièrement et que je côtoyais de temps à autre. Je ne me souviens pas du nom de type dans les bras duquel j’ai passé la nuit. Cela n’avait aucune importance et je n’ai pris aucun plaisir autre que celui de me dire que j’étais une femme. Ridicule et affligeant.

J’ai dévalé pendant trois ans cette pente vertigineuse en tentant par tous les moyens de me soustraire à cette obligation de revenir aux sources. J’ai usé et abusé de toutes les drogues à ma portée, bu tous les alcools en les mélangeant, frôlé cent fois la mort dans la plus totale inconscience. Mon seul objectif, celui de me perdre, je l’avais largement dépassé. Je ne ressemblais plus à rien,  passais de squat en squat, changeais d’amant comme on se roule un joint et très vite, je ne vivais plus que pour ça. Par miracle, je n’ai pas connu la prostitution mais je suppose que ma folie m’y aurait menée si je n’étais pas tombée malade. Ah, si, le suicide aussi, j’y ai songé mais me suis très vite rendue compte que j’étais incapable d’un tel geste. Incapable de faire montre du moindre acte audacieux, je me laissais aller, tout simplement. Ma vie n’avait pas le moindre sens. Je n’avais aucun but, rien ne me faisait rêver, je voulais en finir au plus vite, mais accidentellement. Pas de mon propre fait.

Je me suis laissée interner comme je m’étais laissée prendre par des étrangers.  Sans la moindre volonté ; j’avais atteint un seuil de passivité que je n’avais pas supposé. Mais là encore, j’ai eu de la chance en tombant sur un psy qui m’a guidée sans me contraindre vers le chemin de l’écriture. C’est lui qui m’a fait connaître ce site de littérature en ligne. Je m’y suis perdue, hélas, mais je reste persuadée que j’aurais aussi bien pu m’y trouver. C’est ainsi, le destin diront certain, la fatalité déploreront les autres. Pour moi, cela revient au même et je ne regrette rien.

Alors je n’arrive pas très bien à discerner d’où me vient cette colère subite qui s’étouffe dans ma gorge. Je crois que c’est cette femme. Monique Massier. Je ne connais pas exactement l’objet de sa  haine à mon égard mais je la ressens si fort ! Comme une gifle magistrale qui vient de me réveiller. Je me sens speed, subitement. Avec un besoin d’action immédiate. J’ai eu tort, bien sûr. J’aurais du commencer par là. Retourner à la Ddass et exiger la vérité. Je l’avais tellement cherchée cette foutue vérité, que la pressentant  douloureuse ou décevante, je n’ai pas osé m’y confronter. C’est ce que je vous demande, maître.
Si je me suis rendue à Paris ce week-end, ce n’est pas uniquement pour rencontrer Charles. J’en avais très envie, évidemment mais il y avait autre chose. Je devais faire une autre rencontre, toute aussi importante. Un rendez-vous que je me devais d’honorer le lundi suivant, et que bien évidemment, vues les circonstances je n’ai pas pu respecter.
J’ai reçu une lettre recommandée une semaine auparavant. D’un notaire, maître Heillelig. Qui disait en substance qu’il avait un document à me remettre en mains propres, mes vingt-deux ans passés. Une affaire me concernant. J’ai aussitôt tenté de le joindre par téléphone, mais il n’a rien voulu me dire, si ce n’est me demander de me présenter à son cabinet munie d’une pièce d’identité. Je voudrais savoir maintenant de quoi il retourne au juste.


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