- Tu vas conduire biquette aux champs, soigne-la bien et aies soin de la ramener bien contente et satisfaite de son repas.
Le garçon partit. Il mit biquette dans un gras pâturage et quand la nuit vint, il lui demanda :
- Biquine, biquine, as-tu bien mangé ?
- Je suis contente et satisfaite.
"J'ai du lait dans ma grande houle [La houle est une grotte, en gallo. Elle indique ici le pis de la chèvre.],
"Et des crottes dans mon panier.
"Je ne saurais donc m'en aller ;
"II va falloir que tu me portes."
Quand ils furent arrivés, le bonhomme demanda :
- Biquine, Biquine, as-tu bien mangé ?
- Nenni, répondit la chèvre. Je mangerais bien encore.
Le bonhomme dit à son fils :
- Tu n'as pas soigné cette bête-là, ni fait comme je te l'avais dit ; ton heure est venue.
Il prit son grand couteau, lui coupa les couilles (1) et le jeta dans le puits.
Le second jour, il envoya son second fils, qui dit à Biquine :
- Tu as fait tuer mon frère,
Je vais t'attacher ;
Tu ne pourras pas manger.
Le soir, il la ramena à la maison. Le bonhomme interrogea Biquine qui dit qu'elle n'avait pas mangé. Le bonhomme tua son deuxième fils et il en fut de même jusqu'au septième.
Quand ils furent tous morts, le bonhomme conduisit lui-même Biquine au champ. Il la soigna bien, bien, toute la journée, et le soir, il lui demanda :
- Biquine, Biquine, as-tu bien mangé ?
- Je suis contente et satisfaite.
"J'ai du lait dans ma grande houle,
"Et des crottes dans mon panier.
"Je ne saurais donc m'en aller ;
"II va falloir que tu me portes."
Arrivée à la maison, la chèvre lui dit :
- Hé ! Hé !
"Je mangerais bien encore.
Alors le bonhomme furieux, comprit que Biquine avait menti et lui avait fait tuer tous ses fils. Il lui coupa les couilles (1) et la jeta dans le puits. Aussitôt les sept garçons du bonhomme reparurent à la surface. Ils pardonnèrent à leur père et ils vécurent tous très heureux.
Conte recueili par Paul SEBILLOT, repris dans : "Petits Contes Licencieux des Bretons", t..2, éditions Terre De Brume.1997, p. 73
(1) L'éditeur précise : "Ce conte assez curieux figure aussi dans la collection des contes pour petits Bretons sages d'Olivier Eudes (éditions Terre de Brume), qui suit le texte original. Nous sommes pourtant intimement convaincu que le conteur auprès duquel Paul Sébillot a recueilli ce conte avait censuré l'expression juste en remplaçant couilles par cuisses."
Ce type de conte a été repéré un peu partout en Occident, et a reçu le N° 0212 au catalogue international, également intitulé "la chèvre menteuse"
On peut en lire une autre version, recueillie par François DUINE à Guipel (35) ; voir à cette adresse : http://www.contes-et-merveilles.com/contes/francois-duine/croyances-diverses-animaux-surprenants-et-diableries