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Un homme affable III.5

Publié le 30 juin 2009 par Sophielucide

Je distinguai à peine le profil de Fabien à travers l’écran de ma fumée. La nuit était tombée en même temps que nos voix baissaient. Une fois de plus, j’ai apprécié que le silence installé n’occasionne aucune gêne. Je me suis levée tout de même, pour mettre un peu de musique.  Ce nouveau rebondissement dans l’affaire avait agi sur notre moral et les idées glauques qui me tarabustaient il y a à peine une heure s’étaient évaporées.
J’avais mis la main sur une caisse de vinyles laissée par Arnaud que je montrais à Fabien. Nous étions comme deux gamins découvrant un trésor.
«  Ah, ouais, quand même ! C’est là qu’on s’aperçoit que t’es plus toute jeune… , me nargua   ce jeune freluquet en riant, mais c’est pas mal, admit-il en manipulant avec délicatesse les disques conservés. Si, en plus de ça, tu nous cuisinais des pâtes, on pourrait se peaufiner une super soirée nostalgie »
Le bougre ignorait encore qu’il avait affaire à la reine de spaghettis bolognaise et j’accueillis ses compliments avec une humilité à peine voilée. Je nourrissais une faiblesse pour le vin italien, en particulier le Chianti, qu’il goûta d’abord avec circonspection avant de convenir qu’il se laissait boire, en effet.
Nous passâmes le reste de la soirée à imaginer le contenu de cette enveloppe mystérieuse. Fabien avait évidemment vérifié les dates:  la visite de Mona chez le notaire précédait de trois jours seulement sa mort. Ce qui, selon toute vraisemblance éloignait l’hypothèse pourtant attrayante de son meurtre par Charles le Terrible.  Il était pourtant désespérant de se ranger à l’évidence sordide d’un suicide prémédité, ayant pour unique témoin un bébé de quelques mois dans un couffin.
Comme je n’avais pas de dessert à proposer à mon hôte exigeant, je lui roulai un joint ; je me marrai franchement devant la surprise qu’il ne cacha pas. «  Alors là ! J’aurais pas pu imaginer…
-   Vraiment ? Oui, je sais, ça me ramène encore à mon âge canonique, tu prends quoi, toi ?
-   Euh, ça dépend ; je ne suis pas ce qu’on appelle un drogué, tu sais…
-   Oui, je me doute. Ça fait longtemps, quant à moi que je ne me fie plus à la tête du client, sinon je ne t’aurais même pas ouvert ma porte.
-   Bien envoyé mais je suis comme toi, j’aime bien finir ma journée avec un petit tarpé, histoire de me détendre, on fait le pet ? »

Fumer avec Fabien m’apparaissait comme un compromis intéressant ; il nous permettait de continuer à faire connaissance, tranquillement, en faisant taire momentanément une libido requinquée par ce plat de pâtes arrosé.
Et n’écoutant que mes bonnes intentions, c’est moi qui l’ai conduit gentiment à la porte, un peu avant minuit. J’avais accepté de l’accompagner le lendemain afin de faire la connaissance de ce notaire distingué qui n’avait pas tout révélé de ce qu’il savait. Je les attendrai au bar du coin, en face de la prison, en attendant la suite. Car c’est cette clé qui nous intriguait à présent et cette fois, je tenais à assister moi-même au déroulement des opérations dont nous ne savions rien mais qui présageaient de grandes découvertes.

J’ai posé ma main sur sa joue avant de refermer la porte et j’ai  ressenti alors  une fierté un peu bête à l’idée d’avoir su résister à cette si jolie tentation.


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