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Un homme affable III.6

Publié le 01 juillet 2009 par Sophielucide

Fabien était à l’heure le lendemain ; nous fîmes en silence le trajet jusqu’au cabinet du notaire et je pus vérifier la fidèle description qu’il m’en avait fait, au point que j’aurais pu reconnaître le vieil homme sans problème. Nous sourîmes lorsqu’il m’affubla du vocable suranné d’ « épouse » mais il était inutile de le contredire, d’autant que cela avait l’air de lui faire plaisir. Il aimait se rassurer sur la condition humaine et le beau couple que nous formions à son regard de myope le mit de bonne humeur. J’entonnai alors à voix basse la chanson du Livre de la jungle qui me vint naturellement à l’esprit : « il en faut peu pour être heureux… » mais cela ne fit pas sourire Fabien, plus contracté que jamais, les  deux bras crispés sur le volant, le regard fixe, le profil figé.

Il était entendu que je les attende au café durant l’entretien que nous préjugions particulièrement tendu avec Clotilde-Emma. Si Fabien m’avait semblé un peu plus en phase j’aurais bien parié avec lui qu’elle opterait pour ce prénom choisi par sa mère, un prénom bien plus doux à prononcer que Clotilde ou encore ce pseudo agressif de Colt, mais l’heure n’était pas au badinage et je me fis discrète en lui faisant un simple petit signe tandis que je traversais la rue pour me rendre au troquet.

Pendant l’interruption du procès, l’affaire était maintenant reléguée aux dernières pages des journaux. Aucune des nouvelles informations en notre possession n’avait filtrée, ce qui me rassura et je pus boire tranquillement mon café, une fois le quotidien replié.

Je m’étais toujours interrogée sur ces lieux très chargés, comme les cafés jouxtant les prisons ou les hôpitaux. A cette heure encore matinale, nous n’étions qu’une petite poignée, dont trois femmes qui avaient visiblement fait un effort vestimentaire et  abusé de maquillage. Elles partageaient la même nervosité, allumaient clope sur clope et je me demandais si elles attendaient un conjoint détenu ou si elles-mêmes sortaient de ce lieu inhumain. Rien que cette évocation me donna le frisson.  Dire qu’il existait encore des gens pour douter de l’enfer, alors qu’il existait bel et bien, sous nos yeux, dans ces lieux de perditions sans âme.


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