Et si la vraie nouveauté dans l'Église d'aujourd'hui prenait le visage d'un humble curé du XIXe siècle ? Bien sûr, il conviendrait d'employer le mot de nouveauté au sens de saint Irénée de Lyon qui y voyait la qualité même du Christ. Qu'est-ce qui peut, en effet, distinguer ce prêtre d'un pauvre bourg rural, éloigné de toute séduction mondaine ? Tout simplement d'être le témoin durable de l'Amour qui sauve, de cette source jaillissante du côté du Christ qui ne cesse de nous donner le pardon, la tendresse et la vie de Dieu. Et, de ce fait, il nous renvoie à l'essentiel. Il se pourrait sans doute que cet essentiel soit mal perçu de nos contemporains. La sécularisation a fait son œuvre, comme le remarque Mgr Bruguès dans un remarquable discours aux recteurs de séminaires pour l'année sacerdotale décidée par Benoît XVI : « Nous avons vécu, ou même favorisé une auto-sécularisation extrêmement puissante dans la plupart des Églises occidentales. » Lors de la venue de Jean-Paul II en 1986 dans le village de saint Jean-Marie Vianney, il y eut d'ailleurs des protestations contre une référence sacerdotale jugée obsolète. Il faut constater, avec un récent sondage effectué par le quotidien La Croix, que pour nos contemporains, le bon prêtre s'apparente plutôt à un animateur de service social. Bien, mais alors quelle différence avec un responsable de Restos du cœur ou de la Croix-Rouge ? Il importe peu dans ces conditions que cet animateur soit homme ou femme, célibataire ou marié. Il conviendrait même qu'il soit marié comme tout un chacun et qu'il échappe ainsi à un état de vie incompréhensible à nos mentalités. Justement, telle pourrait être la redécouverte d'une nouveauté ratifiée largement par les jeunes prêtres et les candidats admis au sacerdoce. Ainsi que le remarque encore Mgr Bruguès, il s'agit pour ces derniers de revendiquer leur différence et d'affirmer l'identité de la culture catholique. Ce faisant, ils s'insèrent dans une continuité ecclésiale qui se réfère aux apôtres eux-mêmes. Par exemple, le célibat sacerdotal, loin de constituer un aspect contingent, s'enracine dans un passé attesté par les meilleures études scientifiques, comme celle du Père Christian Cochini sur Les origines apostoliques du célibat sacerdotal (Ad Solem). « Ce que les apôtres ont enseigné, et ce que l'Antiquité a toujours observé, faisons en sorte nous aussi de le garder », déclaraient les Pères d'un concile africain en 390. Là où on a voulu voir un moment transitoire, la tradition atteste qu'il s'agit de l'identité même du sacerdoce.
Il est donc naturel que Benoît XVI fasse appel à l'exemple du saint Curé d'Ars pour illustrer la figure permanente de celui qui offre le sacrifice de la messe, source et sommet de la vie chrétienne. Les sondages n'y font rien. C'est la nouveauté du Christ qu'il s'agit de faire briller pour nos contemporains à travers la nouveauté inépuisable du prêtre. En inaugurant la Maison Saint Augustin à Paris, destinée aux futurs séminaristes, le cardinal Lustiger avait écrit sur le livre d'or de la nouvelle institution : « Afin qu'éclate la lumière de la Croix du Christ. »