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Un homme affable III.8

Publié le 02 juillet 2009 par Sophielucide

Un double cognac pour le notaire, un grand verre d’eau pour Fabien : voilà ce qui fut nécessaire aux deux hommes pour qu’ils recouvrent un semblant d’humanité.  Le visage du vieil homme passa du gris au rosé tandis que la mine son jeune acolyte se recomposait lentement.  Tous deux semblaient incapables de prononcer le moindre mot, et je passai de l’un à l’autre, interdite, attendant leur bon vouloir pour être enfin mise au parfum. Les laissant agrippés au comptoir, j’allumai une cigarette sur le trottoir, en faisant les cent pas, rongeant mon frein, maugréant vainement contre la petite nature des hommes en général, de ces deux là en particulier.

Je dus attendre encore, supporter le silence de plomb qui régnait dans l’habitacle de la voiture de Fabien pour connaître un pan de vérité dont j’étais pour le moment exclue. Je mis en marche la radio que Fabien éteignit d’un geste sec en m’assassinant du regard. Le vieil homme à l’arrière ne savait que répéter : « c’est terrible », ce qui commençait à m’exaspérer franchement. Puis il secoua la tête et demanda à Fabien de le déposer chez lui. Il n’avait plus rien à faire dans cette histoire qui ne le concernait plus. Tout ce qu’il souhaitait maintenant c’est retrouver son antre poussiéreuse et se replonger dans des dossiers plus ordinaires, ceux qui faisaient son quotidien.

«  Cette ressemblance, tout de même! Hormis ses yeux, c’est le portrait craché de sa mère. Je tâcherais de retrouver quelques photos que je vous ferai livrer, vous verrez.
-   Et ce type là, ce Bernard, vous le connaissez ?
-   Nullement, j’ignorais jusqu’à la profession de Mona. Je vous l’ai dit, sa visite fut brève, à peine quelques minutes, le temps de me remettre cette enveloppe. Quand je pense qu’elle est restée vingt deux ans dans mon tiroir, je me demande maintenant si elle n’aurait pas mieux fait d’y rester.
-   Clotilde a droit à la vérité, vous ne pensez pas ? Aussi dure à accepter soit-elle.
-   Je ne sais pas, maintenant qu’elle a commis ce geste irréparable, à quoi lui servira-t-elle à part la ruminer dans sa geôle, c’est terrible.
-   Vous n’êtes pas curieux de connaître le contenu de ce local ?
-   J’imagine qu’il contient l’œuvre de Mona. Je suis totalement inculte en art, la peinture ne m’a jamais intéressé et cela ne pourra que remuer de tristes souvenirs, je ne tiens pas à me laisser guider par mes émotions, pardonnez-moi mais à mon âge, je me dois de me préserver un peu.
-   Comme vous voudrez. »

Une fois le vieil homme déposé au bas de son immeuble, Fabien me gratifia enfin d’un regard qu’il enjoliva d’un petit sourire forcé. Il s’excusa alors, en sortant la lettre de son cartable. «  tu jugeras par toi-même »
Visiblement, elle avait été rédigée en plusieurs fois.  Des paragraphes entiers étaient biffés, de nombreuses ratures empêchaient une lecture fluide et des hiéroglyphes étranges  en ornaient la marge. L’écriture saccadée attestait de la grande confusion mentale de sa rédactrice ; certains passages étaient écrits en lettres majuscules, d’autres en véritables pattes de mouche.
«  Et Clotilde ?
-   Bouleversée, tu penses bien »
Il ajouta que la clé qui accompagnait ce testament ouvrait un local, un atelier d’artiste situé dans les dépendances de l’Observatoire  de Paris. Avant de nous y rendre, nous devions entrer en contact avec un certain Bernard Louvier, attaché culturel à la Ville de Paris.

Comme l’avait laissé entendre le notaire, ce local devait contenir l’œuvre de Mona dont Fabien m’apprit qu’elle était cotée mais il redoutait maintenant, après tout ce temps, avoir le plus grand mal à trouver ce maillon manquant, cette pièce du puzzle, décisive mais sans doute partielle. Je le laissais replonger dans ses pensées pendant que je commençais de déchiffrer la lettre de Mona.

FIN DU CHAPITRE III.


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