Comme vous l'aurez constaté, nous avons décidé d'ajouter une petite prière en dessous de l'affiche dédiée à l'Année sacerdotale.
"Donnez-nous de saints prêtres..." C'est la prière que jadis on adressait en particulier après chaque dizaine de chapelet.
Le prêtre, avec l'Eucharistie, est au cœur de la crise de l'Eglise depuis presque cinquante ans. Dans le fond, quand on y regarde avec un peu de recul, il n'y a rien d'étonnant à cela. La réalité de l'histoire, révélée par son commencement comme par son terme annoncé, est celle d'un combat entre deux "cités", entre le Prince de ce monde et le Christ-Roi, auquel le premier tente à toutes forces d'arracher les âmes. Dans ce combat, le trésor de l'humanité, et pas seulement de l'Eglise, c'est le Christ-Eucharistie, présent pour notre salut jusqu'à la fin des temps. Il n'y a pas lieu de s'étonner, dès lors, que le Diable cherche à s'y attaquer préférentiellement, par l'instillation du doute, du scepticisme, du mépris, de l'orgueil, de l'esprit propre, du sacrilège.
Si le Diable est l'inspirateur de tant de désordres, les hommes en sont néanmoins les acteurs directs. Et parmi les hommes, le prêtre lui-même. Les progressistes y ont apporté leur pierre en dénaturant le sacerdoce, au nom d'arguments sophistiques tirés du sacerdoce des fidèles, par perte de la foi, aussi, dans l'Eucharistie même à laquelle, par nature, ils sont pourtant "ordonnés". Ils ont introduit la crise du sacerdoce avec la crise de la messe.
Si les traditionalistes ont, eux, conservé le sens de la grandeur du sacerdoce, trop souvent, hélas, et fut-ce de bonne foi, ils l'ont tourné à leur avantage, pour se constituer des clientèles, se mettre en avant par leurs singularités vestimentaires, leurs pompons et leurs dentelles, s’entourer d’adorateurs zélés et dévoués, se faire servir, s’ériger en petits papes et en missionnaires de leurs opinions données pour vérités catholiques.
L’Année sacerdotale n’est pas premièrement destinée à mieux aimer nos prêtres, mais à redécouvrir ce qu’EST le prêtre. Au premier chef, cette invitation concerne les prêtres eux-mêmes, envoyés à la méditation de l’exemplaire sacerdotal du Christ, tout entier concentré sur sa vocation salvifique, prêtre aimant les âmes, toutes les âmes, sans acception de chapelle, de milieu ou d’école de pensée, pécheurs et dévôts, prêtre qui ne parle que de Dieu et de l'Evangile, et non pas de soi et de ces misérables potins ecclésiatiques qui emplissent si souvent les bouches sacerdotales, sur le Pape, les évêques, le prêtre-ci, et le prêtre-ça, prêtre effacé devant sa propre vocation, venu exclusivement pour servir, et non pour être servi, prêtre pauvre et amant de la pauvreté, prêtre qui n’a pas une pierre où poser sa tête, prêtre que seuls les anges sont appelés à servir.
La restauration de l’identité sacerdotale passe par le réinvestissement, par chaque prêtre, de sa propre vocation et de sa propre identité. L’homme-prêtre n’est pas le prêtre. Il est un pécheur, comme les autres, revêtu d’un caractère et d’une mission qui, par contraste, le rendent si l'on peut dire plus pécheur encore, plus pauvre en tout cas qu’un autre homme. Le saint Curé d’Ars, qui est son patron, lui renvoie l’image de l’humilité qui, de ce chef, devrait être constamment sa demeure. Le prêtre devrait avoir peur de s’honorer soi-même, peur de s’entourer d’atours qui le distinguent à l’excès, peur de la singularité, peur d’être le centre de quelque chose, peur d’être pris pour ce qu’il n’est pas, peur de détourner sur soi ce qui n’appartient qu’au Christ.
Le Diable, on le sait, a marqué un zèle tout particulier pour faire chuter le saint Curé d’Ars, parce que si malicieux et si dévoyé que soit ce Damné, il n’a pas perdu, lui, le sens eschatologique du prêtre. Un jour, dit-on, il déclara que s’il se trouvait seulement trois prêtres comme ce prêtre-là, c’en serait fini de son règne sur le monde. Trois prêtres. Trois : un, deux, trois. Peu de choses. Et pourtant. On peut y voir, certes, de la provocation, une sorte de singerie des choses de Dieu, dont le Diable a le secret, pour imiter les décomptes dont dépendaient apparemment le sort de Sodome et de Gomorrhe. Il n’empêche. Le propos dit assez le poids du prêtre sur le sort de ce monde, du bon prêtre, et du mauvais prêtre, et même du prêtre qui ne serait seulement qu’un prêtre médiocre, mondain, pas méchant mais mâtiné d’amour de soi et d’amour du monde, avec ses honneurs et ses séductions.
L’Eglise nous renvoie tous à la méditation du prêtre, pour qu’accompagné de ses prières, il retrouve son centre de gravité dans le Cœur salvifique du Christ. C'est ce prêtre qui manque à l'Eglise, bien plus encore par sa qualité que par son nombre. C'est ce prêtre-là que nous voulons aimer, et c'est celui-là que nous appelons ardemment de nos voeux et de nos prières, en nos prêtres et en ceux que Dieu voudra bien nous donner pour prendre le relais et porter haut la Lumière du monde.