Un homme affable IV.4

Publié le 03 juillet 2009 par Sophielucide

Dans le car qui m’emmenait à Calais, j’ai réalisé qu’il n’était pas question que je te fasse passer. Ça m’a étonnée d’ailleurs, je suis pour l’avortement évidemment mais je me suis simplement aperçue que je ne survivrai pas à cette déchirure. J’y ai pensé longtemps, en admettant avec tristesse que Charles ne m’aimait pas, qu’il n’aimait ni sa vie, ni celle des autres. Et j’ai eu confiance subitement : tu représentais un espoir paradoxal,  la force qui me manquait jusque là pour me passer de l’influence morbide de ce type ; c’est ce que je supporte plus aujourd’hui, m’être servie de toi pour tenter de m’en sortir ; mon égoïsme a rejoint celui de Charles et tout ce que nous avons réussi à créer, c’est une victime : toi ; je me hais, si tu savais comme je me hais, et j’ai tellement peur de me mettre à te haïr, toi, l’innocence incarnée par la monstruosité de notre couple. …………….

Dans le car, je partageais la solitude inouïe de toutes ces femmes  venues seules avorter. Où étaient les hommes qui nous avaient si bien baisées? Qui tiendrait une  main ? Soutiendrait un regard ? Sécherait une larme ? Partagerait l’innommable ? Où se cachaient-ils encore ? Etaient-ils des salops ou simplement des  inconscients ?
Arrivée à Londres, je me suis rendue à la Pension réservée par Charles ; je l’ai appelé, il m’a encouragée en me faisant promettre de me coucher tôt. Je devais être en forme pour le lendemain !!!!!!!!!!  A l’heure convenue, je suis allée au cinéma et me suis gavée de pop corn. Au point d’aller vomir ; j’ai appelé Charles, et j’ai menti bien sûr : tout s’était bien passé, j’étais juste exténuée, vide. Je me suis laissée aller à pleurer parce que je savais que cette fois, notre histoire était finie. POUR DE BON ; j’ai raccroché et j’ai commencé mes visites dans les hôtels et pensions du centre ville. Le soir même j’avais trouvé un poste de gouvernante dans un petit hôtel tenu par une vieille dame charmante. J’y ai passé six mois ; heureuse, vraiment heureuse.

J’avais écrit à Charles pour lui annoncer que ce geste m’avait meurtrie au-delà de ce que j’avais pu imaginer. Il a compris, ne m’a fait aucune scène ; je crois bien qu’il en a été soulagé ; triste individu que je méprisais sans pouvoir l’oublier.

Dans cet hôtel, clients et personnel me traitaient avec douceur et gentillesse. «  So cute » devint mon surnom  ou alors ils disaient de moi : «  the baby who’s waiting a baby » en riant.
Je suis entrée en France pour accoucher, il y a trois mois de cela maintenant.

TROIS MOIS. TROIS FOIS MOI. TROP POUR MOI.

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