Magazine Journal intime
La Dame de Beauté
Publié le 04 juillet 2009 par AraucariaAgnès Sorel, maîtresse officielle du roi Charles VII
"Agnès Sorel fut la première maîtresse royale reconnue officiellement, affichée, comblée de titres et de biens. Elle s'identifia si parfaitement au siècle charnière qui a été le sien qu'elle en reflète le double aspect. Médiévale par la gaieté et la foi, déjà moderne par le goût du confort et les besoins matériels.
Fille d'honneur d'Isabelle de Lorraine, duchesse d'Anjou, Agnès a vingt et un an lorsqu'elle rencontre, à Toulouse, Charles VII qui, lui, a quarante ans. La beauté d'Agnès fit de lui un amant subjugué, le transfigurant : de terne, inquiet, défiant, malchanceux, il devint joyeux, hardi, plein d'allant, habile." Jeanne Bourin
Hummmm, je veux bien... mais il n'empêche qu'en ce début du XVème siècle, Charles VII avec ses 40 ans était presque un vieillard pour l'époque, et qu'il était laid comme un rat d'égout!
J'ai fait la connaissance de ce couple, il y a quelques années, en visitant le château de Loches... souhaitant en savoir plus sur cette fameuse "Dame de beauté", j'ai acheté le roman de Jeanne Bourin... Sur un vitrail de la demeure royale, un artisan avait représenté le roi plus beau que sa favorite, sans doute craignait il les représailles de sa Majesté. Quant à Agnès Sorel, sans doute était elle magnifique pour l'époque... Un critère incontournable de beauté consistait alors pour les dames à s'épiler le front très haut sur la tête... Plus tard, Rubens par exemple n'a juré que par des femmes débordantes de graisse... maintenant une femme a moins de chance d'être admirée si sa beauté ne se rapproche pas du standard des sacs d'os qui défilent en faisant une tête d'enterrement sur le podiums.
Voici ce qu'il a été écrit par quelques contemporains de la Dame de beauté :
"Certes, c'était une des plus belles femmes que je vis oncques" - Olivier de la Marche.
"A table, au lit, au conseil, il fallait toujours qu'elle fût à ses côtés" - Pie II (Extraits des Mémoires)
"Entre les belles, c'était la plus jeune et la plus belle du monde" - chroniqueur de Saint-Denis.
Et puisqu'il est question du chroniqueur de Saint-Denis, ayant visité la Basilique en début d'année et scrupuleusement étudié les gisants... Je n'y ai absolument pas rencontré de souverains (es) hideux (ses)... A croire que ces majestés étaient toutes superbes, touchées par la grâce et qu'il n'y avait dans leurs rangs aucun débile ou contrefait... Je me suis même penchée sur le cas de Berthe -dite au grand pied- pour constater que si la chaussure avait un style très particulier, le pied par lui-même n'était pas exagérément grand... Je suis certaine que j'aurais pu troquer mes escarpins vernis contre ses poulaines.
Cela me ramène aux contes de fées de notre enfance, vous souvenez-vous comme les Blanche-Neige, Belle au bois dormant, La petite sirène (princesse des fonds marins) étaient parées de toutes les vertus? Elles possédaient toutes la grâce, la beauté, l'intelligence, la douceur, un coeur pur. Pour marraines naturellement elles avaient des fées qui se penchaient sur leur berceau et leurs offraient les dons les plus fabuleux en cadeau... Pour la Belle au bois dormant, Carabosse, jalouse, avait voulu tuer l'enfant en la faisant se piquer au fuseau... mais une bonne fée veillait et avait annulé le mauvais sort en le remplaçant par un sommeil long de cent années... Et quel réveil en plus! Un baiser du Prince Charmant : le Nirvana! Ah, ce que les Grimm, Perrault et Andersen ont été capables d'inventer pour plaire aux monarques et ne pas terminer leur vie exécutés en place de grève. Pieux mensonges ou mensonges diplomatiques pour ne pas toujours pas voir la vérité en face et surtout la taire. Et cette "monarchie héréditaire et de droit divin", qui a conduit des demeurés sur le trône parce qu'ils étaient les héritiers... heureusement ils ne régnaient généralement pas pendant très longtemps, l'espérance de vie n'était pas très longue jadis, et certains maniaient aussi très adroitement la dague ou les poisons.
La belle Agnès Sorel est morte très jeune. Il y a quelques années, une analyse de ses ossements a permis d'établir qu'elle avait été victime d'une intoxication aigüe au mercure, sans que l'on puisse déterminer s'il s'agissait d'un crime ou d'un accident.
Une rapide présentation de la Belle...
Un sein nu. L'autre reste caché par la soie cramoisie de la chemise qui a glissé le long de l'épaule au cours de la toilette. Entre eux, au plus creux, au plus chaud de la peau, luit une médaille.
Dans le miroir qu'elle tient à la main, Agnès observe son reflet. D'un doigt parfumé d'essence de jasmin, elle suit le ferme contour de sa chair, en dessine l'épanouissement. par sa rondeur, sa blancheur, sa douceur et jusqu'au rose corail de la pointe, c'est un fruit sans défaut.
"Il n'y en a guère..."
Si ce n'est pas un péché d'être belle, ni même de le savoir, s'enorgueillir en serait un. Il faut y prendre garde.
Agnès remonte sur sa gorge la soie aux reflets de sang et se demande par quelle miraculeuse intervention de sa sainte patronne elle est encore vierge à vingt et un ans, après un long séjour parmi les filles d'honneur de madame Isabelle de Lorraine, duchesse d'Anjou!
C'est que la vie n'était pas précisément morose à la cour du roi René! (...)
Présentée dans un moment au roi, à la reine, à la cour qui a suivi le souverain dans son voyage en Languedoc, Agnès va sans doute se trouver mêlée à toutes sortes de gens, d'événements nouveaux. (...)
... S'habiller. Pour l'heure, il s'agit de briller parmi les belles du pays et les dames de la cour afin de leur prouver qu'une fille du Nord en vaut bien une du Sud.
"Pourquoi la beauté ne serait-elle pas picarde?"
(...)
Agnès choisit une robe de soie améthyste, gainant son buste, se moirant au galbe de ses hanches, et un surcot ouvert, bordé de petit-gris, tombant avec ampleur dans le dos, jusqu'à terre. Une chaîne d'argent ciselé ceint sa taille souple. Elle examine sa tenue dans le miroir que lui tend à présent sa servante, fait la moue :
"Ce décolleté est vraiment trop sage. on devine à peine ma gorge!
-C'est grand dommage, demoiselle!
- Et puis, je n'ai pas assez de ventre. La mode le veut plus bombé. Il va encore falloir glisser sous ma cotte certains petits sacs bourrés de sable..."
Comme elle s'est, auparavant, épilé avec soin le front et les sourcils, comme ses cheveux blonds sont déjà enfermés dans une résille, il ne reste plus qu'à poser dessus, les cachant et les enserrant, un atour de tête, haut et pointu, drapé de mousseline d'or et agrémenté d'une bouclette de velours noir afin de souligner la blancheur de sa peau. Un voile transparent flotte au bout de la coiffure.
A l'étage inférieur, une cloche se met à tinter.
"Allons, la mère des filles s'impatiente!"
Tout le monde sait que la gardienne des suivantes ne transige pas avec les devoirs de sa charge.
Jacquotte tend à Agnès un mantel de velours ciel doublé de menu vair, et la silhouette sinueuse, gréée de gaze d'or, s'élance vers les degrés.
Jeanne Bourin - La Dame de Beauté - Le livre de poche n° 6341 -