Dans le petit boudoir de Mademoiselle, elle s’était souvent endormie de fatigue, mais c’était il y a longtemps, quand elle jouait les chaperons, à la demande de sa mère.
Maintenant, elle a 17 ans et elle se tient très droite dans le petit boudoir de Mademoiselle, car Mademoiselle l’observe sous toutes les coutures et lui dit d’une voix cérémonieuse.
- Ma petite, l’heure est venue. Ne bouge pas ! et elle s’éclipse dans un envol de frou-frou étourdissant
Elle aurait voulu l’interroger, mais Mademoiselle est pressée. Dix minutes plus tard, le visage radieux, Mademoiselle pénètre dans le boudoir avec un homme - un lointain cousin précise-t-elle – puis elle referme la porte sur eux.
Après un toussotement gêné, l’homme rompt un silence devenu pesant.
- Mademoiselle m’a dit que Madame votre mère souhaitait vous voir mariée.
Elle, mariée, comment avait-on pu parler de son mariage et ne pas l’en aviser ? Elle regarde l’homme un peu rougeaud dont le col trop serré comprime la chair abondante du cou. Mon Dieu, comme il est gauche ! Et comme il est cocasse : chacune de ses inspirations semble menacer de faire sauter les boutons de son gilet guindé qui cache à grand peine un embonpoint préoccupant.
Contre toute attente il s’approche d’elle. La jeune fille recule, surprise. Il lui prend la main. Elle la lui retire brutalement. Il s’approche à nouveau. Elle se retrouve immobilisée contre le mur du boudoir, du côté opposé à la porte. Ahanant, il plaque alors son gros corps congestionné contre le sien, si délicat, et c’est à ce moment-là qu’elle crie ; un cri d'effroi qui résonne de la cave au grenier.
Quand Mademoiselle arrive, elle découvre horrifiée l’homme raide mort aux pieds de la jeune fille. Elle hurle :
- Jeanne qu’avez-vous fait ? Qu’avez-vous fait mon dieu ?
Et la jeune fille répond calmement :
- J’ai crié Mademoiselle, voilà tout.
PS : texte écrit dans le cadre de l’atelier des « impromptus littéraires »