Un homme affable V.5

Après ce café qui m’empêcherait sans doute de dormir pendant deux jours, j’ai toisé mon hôte en allumant une cigarette, heureuse de le faire languir quelque peu. Chacun son tour, isn’t it ? Alors même que j’allais lui livrer mes conclusions que je qualifiais  d’illuminatoires, tant j’étais persuadée d’avoir trouvé cette clé magique qui résoudrait l’énigme qui nous tenait,  ce sinistre personnage consulta sa montre en  déclarant  qu’il était à la bourre.

«  Excuse-moi, mais je bosse, moi ; j’ai d’autres menues activités à gérer en dehors de cette affaire, aussi passionnante soit-elle. Mais si tu m’invites à dîner, je serai heureux d’entendre tes  hypothèses, y compris  les plus fantasques…
-    Bien sûr, je vais rentrer chez moi et te mijoter un bon petit plat….Tu ne veux pas que je te fasse un peu de ménage, d’abord ? ça pue chez toi !
-    Si tu me le demandes si gentiment….
-    Je rêve là ! Tu m’as pris pour ta bonniche, ta cuisinière, et quoi encore, ta geisha, non ?
-    Tu lis dans mes pensées ma parole !
-    Va au diable,  et surtout continue de pédaler dans la semoule, avec ton attachée culturelle tiens…. CHARMANTE, hein ?
-    C’est génial ! Notre première scène de ménage ; j’apporterai des fleurs dans ce cas ; tu me pardonneras, on s’embrassera et plus si affinités…
-    Mais t’es un grand malade, dis-moi !
-    Allez, on ne va pas se quitter comme ça, sur ce malentendu. Ça te dirait de m’accompagner en prison ? Je suis sûr que tu n’y as jamais mis les pieds…. Si tu tiens toujours à écrire cette histoire, ce serait bien de connaître ça, au moins une fois.
-    J’ai le droit ?
-    Bien sûr, si tu m’accompagnes ; viens me chercher au bureau à quinze heures, d’accord ?
-    Mouais, voilà un retournement de situation dont tu as le secret ; ne prends pas pour autant cette mine de vainqueur
-    Moi ? Une mine de vainqueur ? J’aurais tout entendu de ta bouche adorable….
-    Mais qu’est-ce qui te prend à la fin ?
-    Ben, t’as rien à craindre, puisque j’suis qu’un pédé…
-    C’est malin ! J’ai rien d’une homophobe, tu sais, et je déteste ce mot de pédé…
-    Mais, je t’assure que ça n’a rien d’insultant, on se nomme nous-mêmes ainsi….
-    Arrête ce petit jeu, ok ? Rendez-vous à quinze heures, je vais marcher un peu. Il est chouette ton quartier…
-    Sois à l’heure, les matons n’apprécient pas vraiment les visites intempestives, alors faudra jouer serré. Je te présenterai comme ma stagiaire, d’accord ?
-    Tu ne doutes de rien ! Je suis plus âgée que toi !
-    Et alors ? Y’a pas d’âge pour un bon recyclage, tu devrais y songe , d’ailleurs, avec ton imagination… »