Le Marquis de Kougnonbaf 16

Publié le 06 juillet 2009 par Lilianof

Scène IV

KOUGNONBAF – ELVIRE – LYNDA – ÉVA – MAMADOU – MOHAMMED

MOHAMMED

La marche dans la nature m’a creusé l’appétit. Je mangerai volontiers un petit morceau.

ÉVA

Après avoir respiré l’air pur de Syldurie, une collation s’impose.

LYNDA

Par exemple ! Elvire ! Que fais-tu ici ?

ELVIRE

Surprise de me voir, ma chérie ?

LYNDA

Je ne me souviens pas de t’avoir invitée.

ELVIRE

C’est grand tort. Tu ouvres grande les portes de ton palais à ces deux rastaquouères, tandis que tu me laisses pour compte, moi, ta meilleure amie. Comme tu me déçois, Lynda, comme je suis vexée !

LYNDA

Ma meilleure amie ? Toi ?

ELVIRE

N’avons-nous pas vécu de bons moments ensemble ?

LYNDA

Assurément, le jour où les faux jetons navigueront, tu seras amiral.

ELVIRE

Tu es injuste !

LYNDA

Pour commencer, tu vas m’expliquer les raisons de ta présence ici. J’ai le pressentiment que tu ne m’apportes rien de réjouissant.

ELVIRE

Tu ne croyais pas si bien dire, pauvre cloche. Je suis venu te tuer.

LYNDA

Me tuer ? Quelle est donc cette nouvelle invention ? Tu ne m’avais pas encore fait ce coup-là.

ELVIRE (pointant son arme contre elle)

Tu vas mourir, ravissante idiote.

LYNDA

Il y a longtemps qu’on ne m’avait pas traitée de ravissante idiote.

MAMADOU

Elvire, je vous en prie, lâchez cette arme.

ELVIRE

Toi le négro, tu la fermes !

MOHAMMED

Si jamais vous faites du mal à Lynda…

ELVIRE

Tu restes à ta place, ou je te taraude le nombril.

LYNDA

Merci de votre aide, les garçons, mais c’est une affaire entre elle et moi.

ELVIRE

Et cette affaire sera vite conclue, chienne, à moi la vengeance et le plaisir de voir ton sang jaillir de ton corps.

LYNDA

Qui a pu mettre en ton cœur une telle félonie ?

ELVIRE

Ah ! Non ! Ne me regarde pas de cette façon-là.

LYNDA

Pourquoi donc, ma grande ? Tu espérais lire la terreur et la supplication dans mon regard, et tu y trouves encore ce feu qui t’a déjà tant de fois consumée.

ELVIRE

Ne commence pas ! Tu n’es pas en mesure de me braver. L’arme qui va t’abattre est dans ma main.

LYNDA

Misérable traîtresse, et maintenant meurtrière, tu vas découvrir comment meurt une reine, et surtout comment meurt une chrétienne. Prends-en de la graine pour le jour où ton tour viendra.

KOUGNONBAF

Est-ce que ce n’est pas bientôt fini ? finissez-en, Elvire. Vous ne comprenez donc pas qu’elle est en train de vous distraire pour vous désarmer.

LYNDA

Accorde-moi la grâce de ne pas mourir idiote, et raconte-moi ce que cette larve de Kougnonbaf vient faire dans ta combine ?

ELVIRE

Tu auras ton explication, ce sera ta cigarette du condamné à mort : Ottokar de Kougnonbaf est prêt à tout pour devenir roi à la place de la reine, et il me paie grassement pour t’éliminer. J’ai échoué une première fois quand tu nous as fait ton numéro du Lévitique, mais cette fois-ci, tu es fichue, ma jolie, je te tiens au bout de mon revolver.

ÉVA

Elvire Saccuti, vous n’êtes vraiment qu’une scolopendre.

ELVIRE

Attends, un peu, petite bécasse, tu es sur ma liste, mais je n’ai que deux mains ; Ton tour viendra.

(Entre Julien.)

Scène V

KOUGNONBAF – ELVIRE – LYNDA – ÉVA – MAMADOU – MOHAMMED – JULIEN

JULIEN

Ma chérie, pour la marche nuptiale : Wagner ou Mendelssohn ?

LYNDA

Mendelssohn. Non, Wagner. Non, Mendelssohn. Non, Wagner. Non, Mendelssohn. Non, Wagner.

JULIEN

Wagner ? Tu en es sûre ?

LYNDA

Oui.

JULIEN

Allons-y pour Wagner !

(il sort en chantant.)

ELVIRE

Celui-là, il plane vraiment dans la strato… Eh ! Dis donc ! Rappelle ton copain.

LYNDA

Mais…

ELVIRE

Rappelle ton copain, ou je descends l’arabe.

LYNDA (à la porte)

Euh… Julien, tu peux venir une minute ?

(nouvelle entrée de Julien)

ELVIRE

Prends un siège, mon petit Julien, installe-toi confortablement. Je vais t’offrir un spectacle dont tu te souviendras toute ta vie.

JULIEN

Qu’est-ce que c’est que cette comédie ?

ELVIRE

Une comédie ? Tu appelles ça une comédie ? Sanglante comédie en vérité ! Je vais abattre ta petite chérie devant tes yeux. Voilà qui mettra un peu de sucre glace sur le gâteau de ma vengeance.

JULIEN

Elvire, mais pourquoi ?

ELVIRE

Tu n’es pas en mesure de poser des questions.

JULIEN

Harpie !

(il se précipite sur Elvire. Elle le menace de son arme.)

ELVIRE

Je ne te conseille pas de jouer les chevaliers servants. Retourne t’asseoir. On n’arrête pas les balles avec le poing.

LYNDA

Ne te fais pas de souci, mon trésor ; ce n’est pas parce qu’elle a un lance-pierre qu’elle me fait peur. J’en ai brisé de plus solides.

KOUGNONBAF

Assez perdu de temps en discussions ! Elvire, exécutez votre contrat. Et allez faire ça ailleurs. Je ne supporte pas la vue du sang.

ELVIRE

Bonne idée. Passons dans la grande salle derrière. Nous y serons plus tranquilles pour régler nos comptes.

(Elle entraîne, Lynda vers la sortie.)

JULIEN

Je t’aime, Lynda. Je t’aime.

LYNDA

Moi aussi, Julien. Ne t’inquiète pas.

ELVIRE

Allez ! Avance !

(Lynda sort avec Elvire, sous la menace de son pistolet. Quelques secondes de silence. On entend un coup de feu.)

JULIEN

Lynda !

(Silence d’environ une minute. Puis entre Sabine.)