Magazine Journal intime

Des origines

Publié le 07 juillet 2009 par Lephauste

Au tout début il n'y avait ... rien et puis peu, puis un peu plus, puis plus rien à nouveau, puis encore vint le peu de vie qui suffit à nous faire croire que tout vient de ça, la vie, une goutte d'eau sur la pulpe de la dernière phalange de l'index, et l'effet de loupe au travers duquel nous nous prendrions pour un peu plus que pour Dieu. J'ai sauvé pour ma part, une fourmi de la noyade. Une mort horrible pour cet être imparfait qu'aucun maître nageur n'avait pris la peine d'enseigner, ni non plus qu'aucun fabricant n'avait songé à fournir la dite fourmi d'une bouée à l'ergonomie apropriée. Pour la sauver, rien de plus simple, j'ai balancé sur la fourmilière un seau d'eau complet et glacé. Cette fourmilière, il faut le dire, grouillait au pied d'un rosier que je chérissais tout particulièrement, vu que je l'avais planté sur les corps en décomposition de mes chers disparus. Les fourmis élèvent, c'est bien connu des troupeaux de pucerons qu'elles traient, comme vache qui pisse. Et la vache à l'instar de l'humeur, est noirte. Ça aussi c'est bien connu. Le long fleuve glacé et cataclysmique fit s'éfondrer la fourmilière et des milliers de fourmis trouvèrent la mort dans cet odieux maelström.

Je me penchais pour observer les pauvres petites créatures tout en ôtant un à un les pucerons, à l'aide d'une pince à épiler ... les pucerons. Qu'il sentait bon mon rosier et qu'il était heureux l'humus. Et que l'on est bien à l'ombre des croix de granit. Mais un divin remord me prit et avant que tout soit consommé et que toutes les fourmis aient abjuré leur foi d'êtres primitifs avant que de boire la tasse jusqu'à la lie, j'en vis une qui crawlait contre vents et marées. Je la trouvais vaillante et à l'aide de la pince à épiler les pucerons je la saisis par l'abdomen. Son bon regard me suppliait de ne pas la reléguer à la boue qui à présent finissait de cimenter ce qui il y a peu constituait son monde de travailleuse acharnée. Il est bon, me dis-je de sauver de temps en temps une travailleur pour qu'il puisse aller chanter les louanges de l'homme et vanter la supériorité de son genre, pour ne pas dire de sa race. Car il y a en l'homme de bien, de la race, du pedigree, c'est indéniable. Je la mis dans le creux de ma main, elle me mordit mais je fis comme si je ne sentais rien et la portait au comissariat le plus proche, la mort dans l'âme. Elle n'avait pas de papiers. La mansuétude a des limites. Trop de fourmis clandestines nuisent à l'équilibre du marché de l'emploi et l'exploitation du puceron par la fourmi est odieuse à l'homme de bien.

C'est ainsi, au début il n'y avait rien, un rien immense et généreux. Puis vint l'homme. Il se nommait Yann Arthus Bertrand, il fit un film, puis un autre. Le second il le nomma "Home". Il y contait que tout était beau avant que l'homme n'intervint, que l'homme était mauvais par essence (l'essence sans doute dont il gavait le réservoir de son hélicoptère) et qu'il faudrait bien si l'on voulait vivre vu du ciel qu'on noya un peu, de temps en temps, une fourmilière par ci par là. Voilà.

A l'attention obligeante de monsieur YHB : Homme s'écrit avec deux M.


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