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Un homme affable V.7

Publié le 07 juillet 2009 par Sophielucide

A la question de Fabien quant au prénom qu’elle souhaitait désormais porter, la recluse a répondu en souriant, qu’elle aimait bien celui choisi par sa mère mais qu’elle ne se sentait pas encore prête à l’assumer. Elle demanda alors si son avocat pouvait lui remettre une photo de Mona ; elle s’interrogeait toujours sur sa complicité vécue avec Charles, comment elle s’était naturellement installée et combien de centaines de mails ils s’étaient envoyés, les projets qu’il avait pour elle, la confiance qu’il lui portait ; tous ces sentiments restaient vivaces et elle avait le plus grand mal à l’envisager comme son père.  « C’est maintenant que je voudrais le tuer, si je ne l’avais déjà fait… »

Clotilde, puisqu’elle tenait à ce qu’on continue à l’appeler ainsi, restait obsédée par l’idée de connaître les réelles motivations de cet homme vis-à-vis d’elle ; elle avait le plus grand mal à admettre la part de duplicité dans leurs échanges épistolaires, où pour la plus grande  part, ils ne parlaient que littérature. Comment un père peut-il sciemment construire une stratégie de séduction sur sa propre fille ? Elle comprenait mieux l’inceste dans toute son horreur, un viol avec violence, un acte criminel, pulsionnel mais pas cette manipulation qui ne menait nulle part.

Fabien me faisait parfois des petits signes de tête auxquels je répondais ; je l’engageais à poursuivre dans ce sens. Clotilde montrait maintenant sa volonté de donner un sens à cette machination.

«  Vous avez consommé de l’alcool ce soir là ?
-   Nous avons pris une bière blanche à la terrasse d’un café ; j’avais besoin de compenser mon manque de nicotine et j’espérais que Charles nous rejoindrait au plus tôt, puis nous avons pris le bus pour déposer ma valise. Chez lui, il m’a proposé un verre de vin blanc ; je l’ai vu déboucher la bouteille, de cela je me souviens car il a du s’y prendre à deux fois, et m’a dit en riant être troublé par la présence d’une jeune femme à ses côtés.  Je sais que nous nous sommes installés dans les canapés de son salon, que nous avons prolongé notre discussion et puis c’est à peu près tout. Je me suis réveillée le lendemain matin et vous connaissez la suite…
-   N’avez-vous jamais envisagé avoir été droguée tout simplement ? Il existe maintenant quantité de nouveaux produits sur le marché, qu’on peut même commander facilement sur Internet. Je vais vérifier. Mais il est à craindre qu’il s’avère impossible de retrouver cette bouteille de vin blanc, vous vous souvenez du crû ? De l’étiquette, peut-être, ou d’un détail quelconque ?
-   Non, désolée, je ne bois jamais de vin depuis mon sevrage, mais là, je n’ai pas su refuser, je me serais sentie idiote…
-   Y a –t-il autre chose ?
-   Oui, mais c’est un peu gênant, je préférais m’adresser à une femme…
-   Comme vous voulez, mais je connais le dossier, vous savez, et puis il va falloir vous entraîner à parler à la cour, même sur les sujets gênants, vous voulez peut-être parler de ce tampon ? C’est dans le dossier, je suis désolé…Clotilde, il va falloir aussi que vous vous débarrassiez de ce rôle d’accusée que vous avez endossé un peu trop rapidement. On est loin du premier procès, cette fois, vous allez comparaître en tant que victime d’un inceste, un crime horrible et je plaiderai la légitime défense  en attendant mieux…
-   Vous voulez que je mente alors ? Que je raconte des détails scabreux, que je verse dans le sensationnel dégueulasse ?
-   La priorité pour moi, votre avocat est de vous sortir de prison, vous êtes d’accord avec ça ?
-   Vous y croyez ?
-   Bien sûr que j’y crois, et je ne suis pas le seul mais sans votre soutien, ce sera impossible, vous comprenez ?
-   Vous voulez dire que vous pensez que je n’ai pas tué ce type ?
-   Oui, c’est exactement ce que je veux dire mais le cas échéant je n’hésiterai pas un instant à charger à fond la prétendue victime et alléger au maximum votre peine ; je suis payé pour ça, Clotilde »

Je n’oublierai jamais le grand sourire qui s’afficha alors sur le visage de la jeune femme. Il se déchargea  du voile qui le rendait grisâtre et pour la première fois, je me trouvai, comme Fabien, sous le charme total d’une beauté qui s’illumine d’un coup.  Comme si, sous nos yeux, elle revenait à la vie, à l’instar des princesses des contes de fée débiles recevant le baiser du vaillant chevalier.


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