Son avant-bras gauche avait été happé par la machine à pétrir le pain, et seul le bouton stop, placé à portée de sa main droite, lui avait sauvé la vie ; la machine n’avait pas eu le temps de dévorer le haut du bras. Le patron n’avait fait ni une ni deux : pas de papiers, pas d’avant-bras, plus de force de travail, dehors. Le type avait été traîné dans la voiture du patron, mais il se débattait en réclamant son avant-bras à corps et à cris.
- Ta gueule, disait le patron exaspéré, tu vas pas la fermer ta gueule.
La voiture partit dans un crissement de pneus, l’avant bras resta dans le local à poubelles.
Malgré ses forces qui s’amenuisaient, l’homme ne cessait de pleurer ce bras qu’on lui avait volé. Le patron éructa :
- Estime-toi heureux, j’aurais pu te foutre à la porte sans quoi ni qu’est-ce !
A 200 mètres de l’hôpital, on le poussa hors de la voiture. Celle-ci redémarra aussitôt ; l’homme, lui, gisait inanimé sur le trottoir…
PS : texte écrit à partir d’une histoire vraie lue dans un article du courrier international s’intitulant « terre promise »