Service Du Travail Obligatoire Des Mineurs

Publié le 08 juillet 2009 par Mélina Loupia
Un dîner presque parfait.
L'amour est dans le pré.
Uggly Betty.
Desperate Housewives.

Des émissions hautement culturelles dont il ne faut pas rater une seule miette de surimi, surtout au début.
Et manque de pot de mayonnaise, ces programmes débutent soit au moment de l'apéro, soit à celui du repas familial, soit juste après le découpage du melon.

Et comme en principe, ces corvées me reviennent de droit, moi, la mère au foyer, l'épouse aimante, la télétravailleuse multitâches, il est pratiquement rarissime que je sois vautrée sur le canapé, un Cornetto dans une main, la tasse de café dans l'autre, et un Toblerone déjà coincé dans les dents, au moment du générique de début.

Et là, je dis STOP. HALTE. TU CROIS QUOI JEUNE IMPUDENT?

"Oui mais je suis en vacances maman."
"J'ai mis la table hier."
"Et moi je l'ai débarrassée à Noël."
"Pourquoi on vide le lave-vaisselle juste avant de le remplir?"
"Tu voudrais pas faire un peu plus de billets sponsos pour qu'on se paye une femme de ménage aux mensurations rassurantes?"

Les vacances.
Les corvées.

Mais ils se croient où?

J'ai provoqué et convoqué le conseil de famille, dans le cellier, pendant que les chats se battaient pour savoir qui boufferait les boulettes de viandes au poisson séché, laissant aux autres les petits pois en plastique.

"Bon l'heure est grave. Nous le savons, de Marseille...
-Et c'est parti pour les blagues...
-Tu te tais, en tant que présidente de séance, j'ai le droit à la pleine parole.
-Votre pauvre mère a raison, taisons-nous.
-Donc, comme vous venez de me le couper, je disais que certes, vous êtes en vacances. Certes, vous en avez chié toute l'année scolaire. Mais vous omettez deux ou trois petits détails. D'une, une année scolaire, c'est comme une grossesse, alors certes, certains trimestres sont plus gérables que d'autres.
-Maman, on aura jamais un polichinelle dans le tiroir nous.
-Oui, tu pourrais trouver une parabole plus parlante.
-Et toi réparer celle qui git lamentablement sur le gravier au pied de la maison. DONC, il se trouve que dans ces 9 mois, vous vivez tout de même, telle la mère gestante, des moments de plénitude, à la Toussaint, Noël, Février, Pâques, et Mai troué comme un bas résille. On ne peut, par conséquent, conclure que vous bossez tout le temps sans vous arrêter, comme des traders pendant ces 3 trimestres. Donc les vacances d'été ne peuvent en AUCUN cas, être le prétexte à la paresse, le farniente et la détente absolue. Vous avez, en tant qu'enfant, des droits certes, mais également des devoirs.
-Putain maman, tu vas pas nous infliger des Passeport?
-Je suis une mère sévère, mais juste, nous le savons.
-...
-C'est la raison pour laquelle je ne vous demanderai pas de plancher sur vos bureaux tout l'été à me faire croire que vous faites vos exercices studieusement alors qu'en fait, vous pompez sans honte sur les corrigés des pages centrales.
-Ouf.
-Je crains le pire.
-J'ai hâte de la suite.
-On a pas eu droit à Marseille?
-En revanche, cet été, maman travaille du matin au soir et Bicêtre-Versailles.
-Ah tiens, on délocalise la blague.
-Si tu ne te tais pas, tu vas avoir hâte d'être de retour à l'internat. DONC, étant donné que mon seul salut est la station allongée après 19h, 18h en cas de miracle ou de zèle de votre part, je vous serais gré de bien vouloir prendre en charge les corvées domestiques les dimanche, lundi et mardi soir. Chacun se répartira les tâches comme il voudra, après concertation s'il le désire, mais je souhaite n'avoir que mes pieds à foutre sous la table, la fourchette à lever et le canapé à rejoindre dans ces plages horaires. Ainsi, je vous confie le vidage du lave-vaisselle, ainsi que son remplissage, au moyen de la vaisselle sale dans l'évier, puis la mise du couvert, ainsi que sa levée, le nettoyage de la table et le passage du balai. Votre père aimant, quant à lui, supervisera les opérations afin d'éviter l'embouteillage dans le cellier, le loupage de visée de la poubelle, le nettoyage de l'évier et le balayage du sol, et bien entendu la coordination des employés.
-C'est tout? Fastouche.
-Puisque tu l'ouvres, tu me fais penser que la corvée du café apporté sur place te revient de droit, je ne souhaite pas surcharger les enfants.
-Je trouve franchement nul que vous nous fassiez bosser pendant les vacances, juste pour votre plaisir personnel.
-Oui, nous, on veut bien aider, mais pas faire à votre place.
-Combien vous payez?
-Sachez, sales mômes pourris gâtés par nos soins, que de mon temps...
-Et c'est reparti, alors là, on est morts les frangins, on est morts.
-De mon temps, je faisais même la vaisselle.
-Ce que votre père veut dire, même si tout le monde sait ici, qu'il devait la faire au camping, et qu'en fait, il draguait les minettes pour qu'elles lui fasse la vaisselle, c'est qu'à l'époque, nous n'avions pas de lave-vaisselle et qu'en plus de mettre et de débarrasser le couvert, nous ne sortions pas de la maison sans l'avoir lavé, essuyé et rangé. Alors estimez-vous heureux.
-Ouais... Peut-être, mais du coup, on vous demandait pas de le vider et de le remplir, ce putain de lave-vaisselle.
-Ce que votre mère va probablement vous dire, c'est que nos corvées ne se limitaient pas qu'au repas.
-Ce que je vais vous dire, et je remercie votre père de cette habile transition, c'est qu'effectivement, nous devions assurer une garde matinale, nous lever donc au plus tard à 10h, afin d'aider à étendre ou ramasser le linge, trier les haricots verts du jardin, ou déterrer les patates selon la saison et aider au ménage de la maison. Vous noterez qu'on vous fiche une paix royale jusqu'à 19h.
-Normal, on a pas de jardin et on a un sèche-linge.
-Parfait, dès demain, tu seras aussi de corvée de pliage de tes fringues, et de désherbage.
-JE SAVAIS BIEN QU'ON EST MORTS.
-Serait chéri, serait, pour un peu, je t'achèterais un Passeport Français, mais je ne veux pas perturber tes vacances."