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Un homme affable VI.2

Publié le 09 juillet 2009 par Sophielucide

Pendant que je sentais monter l’adrénaline, Fabien roulait tranquillement son joint, levant de temps en temps les yeux sur moi, souriant à chaque fois, et puis retournant minutieusement à sa tâche.  Il me fit admirer le cône parfait tout juste élaboré avant de l’allumer, en tirer une longue bouffée avant de me le passer.
«  Merci goujat.
-    Faudrait savoir madame.  Egalité  vous demandez, parité vous récolterez »

J’avais décidé de changer la donne pour une fois, alors je ne répondis  rien, ignorant superbement le cliché préféré  de ces nouveaux mecs qui ne doutaient de rien, tant le choix de femmes disponibles et le faisant savoir s’élargissait, ce qui paradoxalement plongeait les pauvres bougres dans un profond désarroi.
J’étais contente, finalement de n’avoir pas été une reine de beauté à vingt ans ; cela m’avait forcé à développer différentes stratégies de séduction, basées sur l’humour et une forme plus ou moins absconse de spiritualité, sous couvert d’un pseudo mystère hérité de multiples métissages.  Après quelques taffes, je me demandais si je pouvais poursuivre le jeu, quitte à le déstabiliser quelque peu. Son assurance inébranlable qui n’était pas pour me déplaire, m’agaçait en même temps, et je me connaissais trop bien pour ne pas reconnaître les prémisses du désir que je souhaitais stimuler davantage. En même temps, je connaissais mes limites et je n’avais aucune envie de répéter l’épisode lamentable  du matin. Fabien ne semblait pas m’en tenir rigueur, il était bon public face à mes pitreries. Je l’observais, allongé sur le canapé face au mien, où je me tenais moi aussi avachie.  Je savais bien qu’à ce rythme, si la camaraderie  se prolongeait, je n’aurais qu’à faire une croix sur une éventuelle relation sexuelle.  Ce qui me contrariait, tout de même ; il était si mignon dans sa fatigue à peine éclairée par le relent de fumée de cannabis qui se propageait…

Maintenant que j’avais atteint la quarantaine, que je vivais seule enfin, il ne me semblait plus si choquant de prendre un amant plus jeune que moi. Nous n’allions ni nous marier, ni fonder une famille, nous étions libres,  y aurait-il le moindre avantage à nous priver d’un plaisir peut être immense mais anodin ? Il m’était déjà arrivée, durant ma relation avec Charles notamment, de douter de mes  prédispositions morales, j’y avais longuement réfléchi mais je n’arrivais jamais à me  persuader que ma conduite pouvait  nuire à quiconque.
C’est ainsi que j’en suis venue à lui proposer ce pari, à croire que fumer peut parfois vous faire dire n’importe quoi…

«  Emma aurait commis un meurtre  pour une tentative de viol d’un vieux schnock ?   Tu miserais quoi au juste, là-dessus ?
-    Ce que tu veux…Une nuit avec toi ?
-    C’est ce que je veux, tu crois ?
-    C’est ce que j’aimerais mais si tu le voulais, ça n’en serait que mieux. Ou bien tu tiens à ce qu’on procède à une reconstitution là, tout de suite ? »
J’envisageais un moment cette éventualité avant de rire bêtement pour gagner un peu de temps. Il avait l’air aussi gêné que moi maintenant ce qui le fit réagir de la même façon, d’un rire sonore et légèrement forcé.
« - Ok, je te propose un compromis : si dans une semaine, je n’ai rien trouvé pour innocenter Emma, je te le ferai savoir. Tu auras donc gagné ton pari et tu pourras reposer ta question, si toutefois tu ne reviens pas sur ces bonnes résolutions…
-    Ça me semble honnête, mais tu m’as l’air bien sûre de toi, là…Et si tu gagnes ?
-    Dans ce cas, je te le ferai également savoir et je ne te poserai aucune  question ! »


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