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incendies

Publié le 08 juillet 2009 par Cecileportier

incendies Pendant les deux premières secondes elle m'a regardé avec des yeux rétrécis par la méfiance, et puis elle s'est détendue, elle m'a dit : "vous les trouvez intéressantes mes mains?... Intéressantes, de toute façon, c'est mieux que belles". J'étais accrochée quant à moi à tous ce que ces mains déployaient d'atours, notamment la couleur inhabituelle du vernis, qui rappelait le trait de crayon effectué dans le contour de l'oeil enfin ouvert par la curiosité. Accrochée si bien par les colifichets, que je n'ai pas vu tout de suite pourquoi ces mains, que je trouvais aussi belles qu'intéressantes, elle les trouvait, elle, surtout intéressantes, car la beauté selon elle s'était perdue avec la torsion que l'arthrose faisait subir aux doigts.

Intéressantes ses mains, dans l'affirmation de toute la personne d'être parée comme elle l'entend, a priori un peu plus que la moyenne et différemment, ce qui lui a valu bien des reproches, qu'elle arbore aujourd'hui comme des bannières de plus. "De toute façon, personne n'a jamais réussi à me faire changer".
Et voilà que l'intérêt devient réciproque, elle me demande, comme je me demande intérieurement de tous ses bijoux : "mais qu'est ce que vous allez faire de tout ça?". En fait, exactement la même chose : le montrer. Et dans les deux cas la raison principale n'est pas le narcissisme, mais le signal envoyé aux autres : dire "regardez, nous pouvons vivre notre vie autrement". Vivre sa vie autrement : s'habiller pas seulement pour se vêtir, écrire pas seulement pour travailler. Mais dans les deux cas, aussi, pour incendier les regards.
Je dis cela après coup. Je dis cela parce que j'y ai longuement pensé, comme après chaque rencontre. J'y pense, beaucoup, et chaque personne rencontrée dans ce projet, depuis, m'accompagne.
Je dis cela, incendier les regards, car de feu dans sa vie il a été question. Si nous nous retrouvions sur la même ligne ce jour là, c'est que depuis deux ans elle n'a plus de logement à elle, qu'elle vit chez un ami, depuis que son appartement a pris feu et est devenu inhabitable, puisque l'assurance conteste la prise en charge des travaux. Je dis cela comme une consolation, qu'elle sache que tous les incendies de sa vie ne sont pas ravageurs.


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