Le Verdict du plomb, ou la justice de la rue..
C’est vraiment un immense pro que Michael Connelly, dont j’aimerais bien qu’on me dise qui le surclasse aujourd’hui en matière de thriller d’investigation, dont la Cité des Anges est le territoire maintes fois quadrillé, qui devient au lecteur si familier qu’il lui semble avoir remonté cent fois Mulholland Drive, s’être attardé avec l’inspecteur Bosch sur sa terrasse dominant la ville nocturne, ou se retrouver une fois de plus sur les hauts de Hollywood, par exemple au sommet de cette espèce de falaise d’où le protagoniste du dernier roman se fait presque jeter, si l’inspecteur aussi mal léché que mythique surgi de nulle part ne le sauvait; et chaque fois, c’est un autre aspect de la ville qui se trouve éclairé, en rapport avec les pouvoirs en lutte : la politique étroitement mêlée à l’économie et au crime organisé, les médias et la machine judiciaire en constante interférence, comme on le voit précisément dans Le verdict du plomb, suite de la mise en coupe du fonctionnement de la justice californienne déjà largement documentée par La Défense Lincoln où apparut, une première fois, le redoutable Michael Haller, défenseur virtuose de coupables non moins retors.
Jusqu’où peut-on défendre l’indéfendable, jouer avec le mensonge sous prétexte qu’un autre mensonge fait risquer la peine de mort à un homme, jusqu’où un défenseur peut-il exercer son job, à Los Angeles, sans basculer lui-même dans la corruption ou le cynisme ?
La question est ici vécue par l’avocat Mickey Haller, qui vient de reprendre du service après une grave blessure (dommages collatéraux de son activité) et une longue période passée sur la touche, pour défendre un nabab du cinéma accusé d’un double meurtre et qu’il met longtemps à commencer de croire peut-être innocent, sait-on jamais ?
Ce qui est sûr, c’est que ce nouveau roman fourmille d’observations extrêmement intéressantes et de réflexions pertinentes sur une société dans laquelle le défenseur de la loi (Bosch est bien présent ici, mais en comparse) ou de la justice ne cesse de franchir les limites séparant ce qu’on appelle le bien et le mal, incessamment brouillées par les mécanismes de la cupidité et de la volonté de puissance huilés à mort par l’argent…
Michael Connelly. Le verdict du plomb. Seuil Policiers, 457p.