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Chambre 514

Publié le 10 juillet 2009 par Eleken

Une vie de perdition. Chambre 514. C’est là que ce soir je suis venu poser ma graisse. Et oui, j’aurais pu être un voyageur aventureux, je suis un gras adipeux. Pas d’Indiana Jones dans les gênes, seulement des patates dans les biceps. Je n’ai que mes bourrelets pour m’accompagner. Il y a longtemps que j’ai laissé tomber l’idée de trouver une femme qui m’aime. Les seules qui veulent de moi sont les putes, et je les paye pour ça.

On frappe à la porte.

C’est ma commande. Ce soir je mange japonais. Bouffe étrangère dans un cloaque étranger. Voilà ce qu’est ma vie ? Vendeur, représentant d’un produit insipide et inutile à l’autre bout du pays. Je ne voulais pas cela. Mais je crois finalement l’avoir mérité. Pour ne pas avoir fait de choix plus utiles, pas de choix plus pertinents… En vérité, aucun choix. Je n’ai jamais fait aucun choix. Je suis une larve. Ce qui me déprime encore plus, c’est que je baigne dans un monde empli de larves. Un sot en plastique grouillant de vermine. Pas une seule ne se battra pour une autre. Égoïsme. C’est le nom de notre Dieu. Pognon et baise furent longtemps les noms du mien… Je n’en ai plus maintenant. Je suis un parjure de Dieu, puant et suintant de foutre. Une merde dans une mer de merde. Quelqu’un sans avenir et dont aucun avenir ne veut.

J’avale mon repas sans même y réfléchir. Pourquoi y réfléchir d’ailleurs ? Je n’ai pas faim. Trop gras pour ça. La nuit est noire. L’écran de la télé affiche un film sans nom et sans scénario. Une simple image floue que reçoit ma rétine mais que mon cerveau ignore. Je sais pourquoi je me presse de finir mon repas. Après, je vais me lever. Aller aux putes. Il y en a dans presque toutes les villes quand on sait où les chercher. Cette ville, je la connais déjà. De taille moyenne. Cinquante mille habitants si je me rappelle bien. Forcément, il y a un coin à ça. Autour d’un rond-point, à un carrefour, près de la sortie d’autoroute ou dans la zone industrielle. Il y a forcément un endroit. Le chercher, sentant le désir me remplir, mon sexe se durcir pendant que j’étreindrai mon volant, et le seul moment où j’ai l’impression de vivre… Encore. Vivre ? C’est ça pour moi vivre. Me rappeler que je suis un looser. Une daube. Un rien.  Je n’ai plus rien.  Ni parents, avec lesquels je n’ai pas eu de rapports depuis presque vingt ans, ni femme, ni enfant, pas d’ami dans aucune ville. Juste un patron qui me déteste et croit que je ne le sais pas. Et les putes, qui me font oublier le temps d’une passe que je suis seul.

Il est temps d’y aller.

Je me dresse en grognant. Je mâche la dernière bouchée. J’enfile mon pantalon extra-large. Mets ma veste et sort comme si de rien n’était. En mode automatique, je me dirige vers ma voiture. Le reste… Je l’ai déjà dit. Ce que je vais faire. Aucune importance, pas la peine de le rappeler.

De retour.

J’ai trouvé l’endroit. Je me sens sale. Répugnant. J’ai la bite collante. Je n’ai plus rien, même plus une envie de sexe. Je me sens encore plus vidé que tout à l’heure… Si c’est possible… Et ça l’est. La pute était vieille. Je préfère quand elles sont jeunes parce qu’au moins leurs seins sont encore fermes. Mais là, pas le choix. Elle devait bien avoir quarante-cinq ans. Et à cet âge-là… Bref… C’était mécanique… Chiant. Elle n’a même pas fait semblant de haleter. Elle est restée là, le regard vide, pendant que je la prenais. Pas bien chère, mais pour le prix, elle n’a pas fait le boulot comme il faut.  Et merde, même ça part en couille.

Mon père adorait Joe Dassin, pourquoi pense-je à ça maintenant ? Ah, une pub à la télévision. La réédition de son best of. Il a mal fini… Tout comme moi ce soir. Personne pour me pleurer. Personne pour se souvenir. Une ceinture, un tuyau dans la salle de bain.

Fin abrupte. Simple, mais logique.

— Eleken,
Ah là là, les sombres soirées fatigué à l’hôtel :p


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