Madame,

Publié le 11 juillet 2009 par Araucaria
Un jour..., une lettre ... (J'ai renoncé à répondre à certaines correspondances lorsque j'ai senti que toute réponse pourrait être involontairement une blessure pour la personne qui me l'adressait. Il y a des cicatrices qui restent à vif toute une vie, j'ai préféré ne pas faire verser de larmes.) 

Tout de suite je songe à celle chantée par Barbara :

Madame

Je reçois, à l'instant où je rentre chez moi
Votre missive bleue, Madame.
Vingt fois je la relis, et mes yeux n'y croient pas.
Pourtant, c'est écrit là, Madame
Et de votre douleur, je me sens pénétrée...
Mais il ne s'agit pas de la même lettre, il ne s'agit pas de la même histoire...
C'est pourtant une lettre, qui comme presque toutes les lettres, va remuer le passé, faire surgir des souvenirs. Pudique et sobre, je l'ai trouvée très belle.
14 janvier 2002
Madame,
J'ai beaucoup hésité avant de me décider à vous écrire parce que, sans doute, vous avez tout oublié de la personne dont je vais vous parler. Il s'agit de mon frère aîné qui a été interné durant trente ans dans l'hôpital psychiatrique qu'a dirigé votre père pendant des années.
Mon frère est sorti définitivement de l'hôpital au milieu des années quatre-vingt (votre père était alors parti à la retraite). Auparavant, il y avait eu quelques tentatives de réinsertion qui ont échoué, mais celle dont je vous parle fut la bonne. Il est venu vivre auprès de moi et de mon mari dans notre ferme, près de Saint-Genest-Malifaux, à une vingtaine de kilomètres de Saint-Etienne. Il nous a aidés comme il le pouvait dans l'exploitation de la ferme et plus encore quand je me suis retrouvée seule, à la mort de mon mari, en 1997.
Mon frère était inapte à une vie sociale normale, très refermé sur lui-même, mais c'était un homme bon, doux, presque toujours silencieux. Et j'en viens au pourquoi de cette lettre.
Mon frère qui parlait très peu, a évoqué à plusieurs reprises "Elisabeth, la fille du docteur" qu'il aurait rencontrée au début des années soixante. J'ignore tout de cette rencontre sauf qu'Elisabeth était alors une enfant. Elle lui avait offert un ruban écossais qu'il a gardé toute sa vie et qui a été son bien le plus précieux.
La petite Elisabeth, c'était vous, Madame, et je crois de mon devoir de vous informer que mon frère, jusqu'au bout, a chéri votre souvenir et que vous avez été, avec moi, sa soeur, le seul être au monde qu'il a aimé. De cela j'en suis sûre, même si je ne connais pas les circonstances de votre rencontre et même s'il s'exprimait rarement et avec difficulté. Quand il a compris qu'il allait mourir - il était atteint d'un cancer au poumon - il a su clairement me dire qu'il souhaitait être enterré avec le ruban que lui avait offert "Elisabeth, la fille du docteur". J'ai bien sûr respecté ce souhait et depuis le 6 décembre 2001, il repose dans le cimetière de Saint-Genest-Malifaux. Il avait soixante-quatorze ans.
J'ignore si ce que je viens de vous écrire vous évoquera quelque chose, mais peut-être cela réveillera-t-il chez vous d'anciens souvenirs. Ayez alors une pensée amicale pour mon frère qui ne vous a jamais oubliée.
En espérant ne pas vous avoir importunée, je vous prie de croire, Madame, à mes sentiments respectueux.
Bernadette Marles
La vie de Betty, douze ans, se transforme le jour où elle rencontre Yvon, un malade échappé de l'hôpital psychiatrique. Elle décide de le protéger et le cache dans sa cabane. Elle ose, mue par un appel mystérieux vers "une autre vie", défier l'autorité paternelle, braver la police et transgresser les règles.
Anne Wiazemsky - Je m'appelle Elisabeth - Folio n° 4270 -

Je remercie Elisanne de m'avoir communiqué la référence de ce roman. Ce fut une belle rencontre littéraire de ces derniers jours.
Une façon aussi peut-être d'exorciser enfin ce prénom... J'ai eu dans le passé  des difficultés (contentieux) avec des Elis(z)abeth, au point d'avoir catégoriquement et violemment refusé ce prénom familial pour ma fille. Rivalités amoureuses...("ex" trop envahissantes à mon goût qui accaparaient bien trop des hommes qui ont comptés dans ma vie...) après plus de trente années, il doit quand même y avoir prescription... à moins qu'elles reviennent me tirer par les pieds au cours d'un de mes cauchemars. J'ai eu la sagesse de rompre avec le premier, lui laissant son Elisabeth... Je ne sais comment a évolué leur histoire... Le second m'a épousée, par dépit peut-être parce que cette seconde Elisabeth lui avait filé entre les doigts... Il faut que je sois sur mes gardes au cas où j'en croiserais une troisième...! On ne sait jamais...