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Un homme affable VI.5

Publié le 11 juillet 2009 par Sophielucide

J’endossai le rôle de poétesse avec délectation, écrivis d’une traite un long poème épique, assez énigmatique pour intriguer celle que je souhaitais atteindre.  Arrivée sur cette toile mystérieuse, je me suis prise au jeu, presqu’immédiatement et j’ai compris alors ce vertige que procure l’anonymat, tout en tissant un piège que j’espérais suffisamment attirant pour un esprit troublé ; voici ce que je déposai :

L’année terrible

Kant a taclé la houle, son âme n’en est pas là !

Hâle peut plaire un jour, on encense le pâle
La folle tait son amour, et les noms et le nombre
Sous couvert de discours, son regard reste sombre
C’est le triste défi qu’elle fixe chaque nuit
Pour chasser son ennui à renfort de ses cris…
Pleurez sur la maudite, mouchez cette étournelle
Chassez la favorite, celle que vous disiez belle
Elle boit sa candeur au mépris des yeux vils
Elle a cru au bonheur d’une fenêtre immobile
Puisqu’on la dit traitresse, en mêlant pêle-mêle
Les clichés des infâmes, elle nous interpelle
Allez donc ! Cons sacrés, con jurés, cons singeant
Elle ne laissera rien, ni au dehors ni au dedans
Il n’est point s’épancher que braver les gens prudes
Si c’est pour dénoncer leurs propres turpitudes
Elle endosse avec joie le rôle de garde-boue
Si ses épaules ploient, elle reste debout!
Sa figure est austère, habitée par le diable ?
Et son corps s’altère, un mâle est-il curable ?
Sa complainte l’agite mystérieusement
Pleurer se fait au rythme de ses amusements
Peu à peu, coutumière de sa propre pénombre
Ses larmes familières la profilent en sombre
A tous ceux qui s’obstinent à la sermonner
D’une moue étudiée, elle demande de passer
Le chemin galvaudé des illustres redites
Elle au moins a aimé, qu’on la juge maudite
Aucune monnaie à rendre aux tristes inconnus
Que la saveur de cendre de l’amour mis à nu.

Ver changé en limace,  molle idée, goût amer
Fait naître une grimace sur son visage fier
Son unique dessein lui semble trop petit
Et n’inspire en son sein que ce mal qui grandit
O le goût d’interdit! Elle et lui ! Choix des larmes
Messages inédits qui font d’elle une femme
Mais que seul un mot manque, elle accuse le coup
La voilà qui harangue, la voici à genoux
Revers d’infortune dans sa tumeur maligne
Retour dessous la lune, elle entaille sa vigne
Ah ! Quand le malus l’agresse par un baiser fuyant
Quand l’ingénue supplie son tortionnaire aimant
Quand elle le croit puissant tandis qu’il est futile
Quelle erreur fatale de faire battre ses cils !
Et si l’amant sourit, son regard est figé
Car la triste égérie se connait condamnée,
Début d’éternité vautré dans la supplique
Une amoureuse hantée s’est muée en aspic.


L’orage tonne ailleurs, ici gronde la paix
Si elle entend la voix, c’est qu’elle emmurée
Dans sa tombe, au matin, elle devise
Sur la banquise de chagrin où elle s’est assise
Le travail d’artisan qu’hier elle trouvait beau
Ressemble, ver luisant, à un mauvais tableau
De sermons impolis, effeuillant marguerites
Cantilène moisi du soldat dans guérite
Qui benoîtement fait semblant d’ignorer
L’état d’abrutissement d’une conjurée !
Quand la foudre invisible la fouette
Décrétée « la nuisible », elle s’entête
En lieu et place elle vibre, il lui reste l’ennui
Si s’est dissoute la fibre, elle attendra minuit
Pareille à Pénélope elle se fera tiseuse
On la dira salope ou encore allumeuse
Ils pourront bien, les gnomes, recracher le venin
A part son mélanome tout lui semblera vain
Depuis qu’elle a grimpé dans le maudit carrosse
Les doigts se sont pointés sur le rhinocéros.

Elle desserre l’étau un instant se remue
Sortilège à vau l’eau en honte se commue
A bas l’homme piteux, au feu les amours mortes
Au diable les envieux ; elle fixe son aorte
N’ayant rien d’une lâche, stoppe le couperet
Attachée au panache, elle se fait à l’idée
Puisqu’il a déserté, il rejoindra les ombres
Malheur aux paltoquets qui comptent sur le nombre
S’il a pleuré, le fourbe, maudit le parchemin
Qu’il essaime la tourbe, qu’il se serve de ses mains
D’elle il n’aura plus rien, désormais qu’il affronte
Tout seul son destin, qu’il réinvente un conte
Puisqu’il a ajourné son amour travesti
Elle dira l’impuissance d’un monde perverti
Derrière la lunette des nantis, des robustes
Elle s’est sentie trahie d’une image vétuste
Ce flot dégoulinant censé venir du cœur
N’était qu’appât navrant, transformé  en rancœur
Son instinct animal l’a guidé vers un autre
La rançon lacrymale  désigne cet apôtre
Il ne sera pas dit qu’elle se vautrera seule
Dans cette ignominie devenue son linceul.


De son antre choisi, elle contemple statique,
L’échantillon de lie qui joue les hiératiques;
Accoudés au comptoir d’un message servile
Ils secouent l’encensoir des abrutis utiles !
Cherchant, les vaniteux, un sens au peu d’espace
Mais prêts à se damner pour une nuit au palace
Ils espèrent le beau temps, pleurent sur leurs écus
Et ignorent royalement les savants, les vaincus
Ils monnaient leur dieu, celui qui joue au dé
En priant sous les cieux de leur manque d’idée
Nul pardon accordé, elle sort le crotal
De la toile d’araignée, gisant monumental
Son unique réplique s’adresse à son cerbère
Et voici qu’il rapplique et très vite s’affaire
Jusqu’à ce que cynique, elle lance le départ
C’est le moment critique où l’on dit au revoir

La voici allongée au pied du cinéraire
La tête renversée, les sentiments contraires
Enflamment son esprit et son bassin
Eveillant du mépris le désir assassin
Sa propre loi ; c’est là son droit. Fâcheux programme.
Quoi ! L’homme que voilà, aurait volé son âme ?
Outrage! La folle fluctuera ; affliction falsifiée
Ou bien transformera le chagrin en pitié…
Elle hésite à présent : songeuse, elle anticipe
La fin d’un fol amant dont elle s’émancipe
La colère tombée, elle ne reconnait plus
Une intuition blessée dictée par l’inconnu
Qui ne fait pas le poids, dépose des indices
Et s’est pris pour un roi l’adoubant cantatrice
Quand sa voix a faibli il a juste dit non
Puis il s’est attendri, murmurant son prénom
Que faire de l’ouragan qui soudain se déchaîne
Qu’un chapelet d’argent que fidèle, elle égraine…

Ah ! Il est revenu ! A nouveau partisan
Le corps mis à nu, elle rejoint son amant!
En circonvolutions…Instables, ils s’enlacent
Il avait mal lu mais déjà elle se lasse
Est-ce la duperie, jeu de derviche- tourneur?
Et puis tout ce mépris, est-ce un baratineur?
Il a baissé drapeau, sa mise en quarantaine
Son regard est nouveau, son beau regard tungstène
Elle veut croire à l’alliage né de ce pur métal
Elle veut boire la mixture, son but horizontal
Si son cœur elle bétonne, elle ne fait pas la prude
Le plaisir emprisonne mais le bonheur est rude
Alors elle apprivoise l’histoire sans issue
Comme on mise sur la gloire, quand tout a disparu
Elle ose encore sourire, rampant vers l’abattoir
Pour peut-être nourrir ses traits blasphématoires
Nous étions en automne et l’hiver arriva
Et toujours elle raisonne, vous le croyez ou pas
Plus rien à réparer sur ce chétif arbuste
Les feuilles sont tombées, ne reste que le fruste
De passion inspirée en commun établi
Son regard s’est noyé dans un verre de Chablis.

Le futur l’entrave, le passé elle abhorre
Et le noir de la cave peu à peu s’évapore
Dès que la lune luit, tapie dans sa tanière
Elle devient dégourdie, défait sa muselière
Sort de sa réserve, déchiffre le palimpseste
Elle retrouve la verve et lâche enfin du lest
De ses mots dont elle veut dessiner le tableau
Elle a choisi le bleu qui déteint du hublot
Parlant d’amour toujours, elle pense funérailles
Le concept est trop lourd, sanglé sur monorail
Quel est donc ce débat aussi creux que la vague ?
Quand elle pense aux ébats, ça y est elle divague.
De cet affreux dilemme, seule distance : l’ironie
Le relief de l’emblème de son propre mépris
Attirée nuitamment par les propos trompeurs
Voulait-elle simplement tutoyer cette horreur?
Attendre seulement qu’enfin elle dessaoule
Observer patiemment comment elle s’écroule


Apogée de la crise, la fille est pitoyable
De rouge elle se grise, cherche une terre habitable
De petits ganglions lui dessinent un boa
Autant d’aiguillons rythment ses petits pas
A croire que le pont s’est transformé en puits
C’est son seul compagnon, elle le chérit depuis
Son unique fonction : rappeler qu’elle vit
Sorte d’extrême onction quand elle pense à son vit
Chaque fois qu’elle inspire, lui répond une toux
Son seul souhait qu’elle expire et puis ce sera tout
Mais le mal est coriace, il vit plus qu’elle ne meure
Animal vorace devenu embaumeur
Cloitrée dans le beffroi ses yeux se sont fermés
Elle se réchauffe au froid, revers chloroformés
Reste sa fierté, lâchée comme une bombe
Qui l’aurait alertée quand elle creusait sa tombe
Ses petits coups au cœur pressent son ambition
Elle hait le bookmaker qui rajoute une ration
Puisqu’il en est ainsi, alors elle continue
Elle en oublie les « si », elle en est revenue

Elle a cassé la faux, brisé le sortilège
Signature- cadeau qui peu à peu l’allège
Si la montée fut belle jusques au grand parvis
Son retour de Babel sacrifie à l’ennui !
C’est une bouche d’égout avalant l’horizon
Des couleurs et des goûts forment son abstraction
A sa noce funèbre, pour seul épithalame
L’universel algèbre sur un madapolam
C’est le compte à rebours de son absurdité
L’éternel labour de prières avortées
Ce carré de batiste voile l’intimité
D’un amour égoïste qui n’a jamais été
Pléonasme invariable arrivé au hasard
D’une piteuse fable écrite dans le noir
Voici bien à quoi tient son unique reproche :
Ne jamais repriser la doublure de ses poches
S’y amassent à l’envi ses erreurs, sa paresse
Elle y  lit le défi et rit de ses faiblesses.


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