La douche froide

Publié le 13 juin 2009 par Annonymise
Nos haleines de harengs à la bière, nos yeux veinés de sang, mes oreilles fatiguées... Finalement, nous avons le même âge, c'est bien la seule chose que nous ayons en commun... J'essaye d'écrire ça, du bout de l'index, sur la buée froide de la 204 comme je le faisais déjà dans celle qui avait vu pousser mes longues jambes... Le producteur joue les durs, il s'énerve de manière cinématographique quand la Peugeot de mon enfance se met à caler. Je pense à ma mère qui elle paniquait sec au feu rouge.
- Tu ne diras pas à Papa ! c'était l'expression habituelle, celle qu'il ne fallait surtout pas me dire ! Je m'empressais le soir même d'y faire allusion avec un plaisir décuplé par les yeux noirs maternels, lesquels n'exprimaient rien d'autre qu'une colère de comédie italienne.
Les essuie-glaces balayent rapidement les souvenirs, et les gouttelettes du jet d'eau s'infiltrent par la fenêtre du conducteur, une petite douche froide de présent... A droite du chauffeur énervé, Laurence rit à mes blagues pas drôles qu'elle répète aux autres car leurs oreilles sont encore bouchées par le concert des enfoirés... A l'arrière de la voiture, un grand échalas dont l'homosexualité crève les pneus, me couve de son regard de plumes comme il l'a fait durant toute la soirée. La copine du producteur construit des phrases biens cimentées d'un air rieur. Petite brune palote au nez aquilin rougi par un rhume, son humour éternue régulièrement. C'est bien la seule qui peut sauver cette soirée Titanic dans un mouchoir de poche... Laurence, quant à elle, ressemble à un iceberg qui fondrait dans la seconde et se reformerait dans la suivante; une véritable insulte aux climatologistes du tempérament... Enfin, Philippe Manoeuvre créneaute de manière très rock... J'ignore à cet instant que je me souviendrai de cette nuit dans les moindres replis de sa belle robe sombre...