- Je te dis qu’il m’a mordu ! c’est ce qu’elle répétait en boucle.
Je ne pouvais pas le croire. Lui si doux, si calme, comment était-ce possible ? Au comble de l’énervement, j’ai fini par crier.
- Mais bon sang, qu’est-ce que tu lui as dit pour qu’il te morde ?
- Rien, m’assura-t-elle, rien du tout.
Je savais que chez elle, "rien" voulait dire beaucoup. Elle avait cette habitude étrange de dire l’inverse de ce qu’elle voulait exprimer.
Il fallait que j’en aie le cœur net. Je l’appelai et il arriva aussitôt :
- Ta grand-mère m’a dit que tu l’avais mordue, c’est vrai ?
Il me regarda l’air penaud et baissa les yeux. Ses petites mains potelées se crispaient sur la peluche qu’il serrait contre lui. C’était donc vrai.
- Mais pourquoi tu as mordu ta grand-mère ?
Il me fixa de ses yeux clairs et dit comme à regret :
- Elle m’a dit que j’étais bien comme mon père et que t’aurais jamais dû te marier avec lui.
Elle recommençait. Aucun homme, décidément, ne trouverait grâce à ses yeux.