Il y a des gens qu’on reconnaît. Comme parfois on identifie un parfum en croisant des inconnus, il y a des gens qu’on renifle, littéralement. Et je me dis qu’il y a là, dans cette reconnaissante immédiate et implicite, l’esquisse d’une famille inavouée bâtie sur… mais sur quoi, finalement ? Un geste ? Une manière de se tenir ? Je ne sais pas.
C’est physique, pourtant. C’est physique avant d’être, le cas échéant, explicité par des mots.
Je sais avoir pensé, un jour, que les expériences exhalent un certain parfum, et c’est peut-être ce parfum qui nous donne le goût de la familiarité. Quelques personnes sont des voltigeurs, des gens qui connaissent, qui ont connu, qui peut-être connaîtront, le vertige du vide. Cela se voit non pas sur leur visage, ce serait trop simple, j’imagine, mais cela se voit, et je suppose qu’alors il s’agit de gestes bien précis pour dominer les choses, d’une certaine emprise physique qui se veut possibilité de contrôle et ne laisse pas de place au moindre trouble. D’une certaine solidité.
Une fausse solidité, bien sûr. Un rempart érigé trop vite, mais assez haut pour être devenu incontournable, qui contamine l’attitude. Forcément, cela ne peut être que physique, tu sais, sinon, comment expliquer la reconnaissance ? Ce sentiment de voir en l’autre quelque chose de soi qu’on refuse, ou qu’on a connu longtemps auparavant et qui a laissé son empreinte ?
Mais rien n’est jamais identique. Aucune expérience n’est communicable. La proximité ressentie devient un leurre au fur et à mesure du dévoilement, et il en est de la déception comme du reste : elle est à la hauteur de nos faux espoirs. Peut-être est-ce assez de humer un parfum légèrement semblable, au détour d’une rue, sans chercher à comprendre. Peut-être est-ce plus sage.