De l’Epos. En lisant Mal tiempo de David Fauquemberg. Un film-choc de Fulvio Bernasconi, Fuori dalle corde. Et le nouveau récit africain de Lieve Joris, Les Hauts plateaux.
Il faut le tonus et la transparence d’un récit frontal de la trempe de Mal Tiempo, nouvel opus de David Fauquemberg, pour mieux éprouver le grand manque actuel de souffle épique du roman français, même si l’on considère le surpuissant Zone de Matthias Enard, dont je ne suis pas sûr que le surpuissance soit beaucoup plus qu’un surpuissant effort doublé de surpuissants effets.
L’epos, à mes yeux, n’est pas forcément dans la volonté de tout embrasser et de tout lier d’un souffle et sans ponctuation (on est un peu las de cette maelström/mania depuis le Paradiso de Lezama Lima et le Paradis de Sollers, pour ne pas remonter à Joyce, et sans compter une kyrielle d’épigones), mais bien plutôt dans la tension d’un récit pieds nus qui marche et combat et vit sa cause dont le mobile profond reste secret – et celui-ci constitue peut-être la vraie force, comme de l’Orlando furioso,
Or j’aime retrouver cette fureur blessée chez le boxeur cubain Yoangel Corto, protagoniste de Mal tiempo, dont le dernier combat échappe à toute dialectique de pure compétition ou de ce qu’on pourrait dire un art pour l’art à base d’orgueil personnel, d’implication patriotique ou commerciale, de survie économique ou de rébellion à caractère politique – tout cela se fondant en une masse affirmée et muette… Dès la première scène de Mal tiempo, qui est d’une défaite, le lecteur se trouve précipité dans la boxe, dont l’écrivain parle avec une extraordinaire précision et toute physique aussi, mais d’emblée c’est plus que de boxe qu’il s’agit dans ce livre magnifique dont une vraie poésie se dégage à phrases solides comme des câbles et ciselées en grand travail de finesse, qui parle beaucoup aussi de dépassement et de liberté.
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Et le nouveau récit de Lieve Joris, Les Hauts Plateaux, n’est-il pas trop noir non plus s'il vous plaît ? Est-il bien indiqué, en ces premiers jours de vacances, d’évoquer la marche solitaire, au milieu de tous les dangers de celle qui, depuis Mon oncle du Congo , avec l’inoubliable Danse du léopard, puis L’Heure des rebelles, n’a cessé de revenir en cette Afrique aimée et déchirée qui aura subi, entretemps, les massacres que nous savons et dont elle a constaté les séquelles et les rebondissements ? Hélas, ce qui nous reste d’humanité cohabite de plus en plus mal avec notre confort et notre besoin estival d’évasion. Mais la vraie vie est aussi à ce prix, qui vaut bien un mojito. J'y reviendrai sous peu...
David Fauquemberg. Mal tiempo. Fayard, 280p.. En librairie le 24 août.
Fulvio Bernasconi. Fuori dalle corde. En DVD.
Lieve Joris, Les Hauts plateaux. Actes Sud, 132p.