Le mur d’à côté
L’Art dans le regard
J’ai l’incommensurable chance de voir du beau, de l’intéressant, de l’Art, partout en toute chose. Un privilège qui n’est pas offert à chacun. Quand on possède mes yeux on perçoit le monde, dans sa beauté ou sa laideur, qu’il soit sculpté de la main de Dieu ou façonné par celle de l’être humain, tel un chef-d’oeuvre. Selon ma conception, un chef-d’oeuvre ne se révèle pas forcément dans la beauté, du moins dans ce que les mots “beau”, “beauté”, expriment dans un inconscient collectif formaté par des schémas imposés. Un chef-d’oeuvre doit simplement ÊTRE. Seule sa complexe énergie dissimulée par une apparente insignifiance me permet de le découvrir.
Souvent, quand je photographie, des personnes s’approchent pour regarder ce que je capture en image. Étonnées, parfois choquées ou irritées, elles me houspillent. “Quoi? Vous photographiez ce graffiti -ou cette poubelle, ou cette vitre cassée, ou ce trou dans l’asphalte-! Mais C’EST PAS BEAU! Vous feriez mieux de photographier les fleurs du parc ou la Grande-Fontaine!” Ce genre de remarque m’irrite terriblement, raison pour laquelle je ne réponds pas. Ou alors des choses évasives comme “Ce n’est peut-être pas beau mais ça fait partie de la ville” ou une connerie de ce genre, car je n’ai guère envie d’expliquer une pensée, sur laquelle je peine souvent à mettre des paroles orales, au premier quidam venu qui m’agresse de son opinion outragée.
Pour ma part, je considère que la vie m’a donné un cadeau merveilleux en m’accordant ce regard qui sait se poser sur toute choses en y voyant, si ce n’est de l’Art, au moins un grand intérêt. Grâce à mes yeux je ne suis jamais seule. Je ne m’ennuie jamais. Ce regard m’oblige aussi à pardonner à l’humanité d’être aussi… désagréablement humaine, car même par hasard, contre sa volonté, elle parvient toujours à me fasciner, tant dans le bien que dans le mal, or c’est grâce à cette unique fascination que je suis toujours en vie.
Je suis particulièrement subjuguée par l’harmonie de “l’invoulu”, par la poésie qui se dégage des gestes ou des agencements du quotidien, effectués sans aucune volonté de produire du beau ou de l’esthétique.
Je poursuis donc mes photos du mur d’à côté de chez moi que les maçons continuent de réparer. Les images suivantes, comme toute celles de ce murs, ont été réalisées avec mon téléphone mobile. Celles-ci ont été prises ce matin, durant la pause des ouvriers.
Autres photos de ce mur: le 13 juillet 2009.