En vacances avec... mes parents

Publié le 16 juillet 2009 par Britbrit


Monologue téléphonique de ma mère :
« BritBrit, on ne te voit plus. A se demander si tu es encore en vie… Tu vois des gens plus importants à tes yeux que tes pauvres parents ? Tu n’as vraiment pas le sens de la famille et de l’amour. Jamais je n’aurais crû t’avoir élevée comme ça. Dis, ça, nous ferait plaisir à ton père et à moi que tu viennes passer quelques jours en Bretagne avec nous. Tu sais, quand on sera morts, tu regretteras de ne pas avoir voulu venir avec nous.
Au fait, je t’ai dis pour la fille de la podologue ? Et bien… blablabla… blabla…Bon pour les vacances, on passe te prendre à 5 heures du matin ? »

Et voilà, comment en l’espace d’une conversation, je me suis retrouvée prisonnière dans la voiture de mes parents, direction la Bretagne Nord.

Arrivée dans 920 kilomètres et 320 mètres.


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A 250 mètres, prendre à gauche.  
  

J’ai honte, j’ai honte, j’ai honte ! Moi dans une Xsara !!!... La dernière fois que cela m’est arrivée, c’était au mariage de ma cousine l’an dernier. Pour rester digne et éviter que quiconque me reconnaisse, j’avais adopté une technique fort efficace de camouflage : le sac Leclerc sur la tête. Mais là, tactique impossible au risque de finir visage bleue et langue pendante à l’arrivée. Hors de question que je ressemble à Schtroumpf Coquet mort !


Tourner à droite, puis continuer tout droit pendant 250 kilomètres.


En mois, d’une heure, j’ai lu tous les articles du Elle. Pour passer le temps, j’ai même été jusqu’à réécrire l’aventure de Fonelle, en plus drôle bien sûr. Je suis tellement savoureuse quand je rédige. Enfin bref, tout cela pour dire l’ennui me gagne et me fait bruyamment soupirer.


Ma mère, jamais à court d’idée décide de jouer au jeu des départements sur les plaques d’immatriculation des voitures.
-  Comme quand tu étais petite, me dit-elle avec la nostalgie des jours heureux dans le regard.
Je cède devant ses yeux de cocker prêts à lâcher quelques larmes de crocodile en cas de refus.

Au bout de la troisième voiture, je sèche lamentablement sur le 18 (Loir et Cher, préf. : Blois. 314 968 habitants. Principal pôle d’attraction : anciennement Jack Lang).


- Jamais tu n’aurais fait cette erreur à 10 ans, me rappelle ma génitrice. De toute manière, maintenant avec vos ordinateurs, vous devenez incultes ; vous ne savez même plus écrire. De mon temps, on allait à la bibliothèque et pas pour lire des bêtises comme cette Brigitte Jaune…


- Bridget Jones, mam’ !


- Peu importe. La culture cela se construit tout au long d’une vie. Si tu allais à Questions pour un champion, tu n’arriverais même pas à passer la première étape. D’ailleurs, tu te souviens de Marlène, ta copine du CE1 qui a réussi elle, et bien… blablabla…blablabla…


Le sang cogne contre les parois de mon crâne. J’avale discrètement deux Dafalgan codéïnés et un valium. C’est cool, j’suis stone pendant au moins la moitié du voyage.


Attention, radar à 150 mètres (bip, bip, bip).


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Prenez le rond-point, puis prenez la deuxième sortie à droite. Puis continuer tout droit pendant 167 kilomètres.


Mon père fait la tête. Depuis 15 kilomètres, il ne capte plus Rires et Chansons. Pour détendre l’atmosphère, ma mère décide qu’il est temps de faire une pause à la station-essence pour prendre un café et surtout faire pipi.


- C’est important de bien aller aux toilettes. J’ai lu dans Notre Temps que se retenir était la porte ouverte aux cystites. D’ailleurs, tu te souviens de Josée, notre voisine de quand tu venais de naître, et bien figure toi que… blablabla… blablabla…


Je suis tellement dans les vap’s qu’à peine descendue de la voiture, je me casse la figure sur le bitume. Résultat : mon genou est en sang et je pleure.

Ma mère prend un mouchoir, met un peu de salive pour nettoyer la blessure.


- C’est pas hygiénique, je dis en tentant d’articuler entre deux hoquets.


- Voilà comment ta fille me traite. Elle croit que sa mère est une sale alors que j’ai eu en 1978 le grand prix Ajax ammoniaqué au Mammouth de Tarbes. Même ta mère à toi n’a pas réussi à le décrocher, lance ma mère furieuse à mon père qui, très loin de ces préoccupations, préfère fouiller dans le coffre de la voiture à la recherche d’un paquet de bonbons à la réglisse.


- Grumpf…, fait mon père stoïque, trois réglisses dans la bouche.


Arrivée dans 358 kilomètres et 230 mètres.


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Bip – Bip – bip


- Je vais le passer par la fenêtre ton GPS si ça continue, dis-je en râlant cachée derrière le Femme Actuelle spécial Ménopause (j’ai fini le Prima, dossier « Pot-au-feu et blanquette »)


- Moi je l’aime mon Tomtom, répond l’heureux paternel comme un enfant devant son hamster.


Bip – Bip – bip


- T’entends ? Il merde ton truc.

- Non, il s’exprime, c’est tout.

- Ah…

- Grumpf, conclue mon père avec une réglisse coincée entre les dents.


Bip – Bip – bip


Une heure de route plus tard, tout le monde va mieux. Mon père a réussi à trouver ses bonbons ; je ne sens plus la douleur grâce à un vieil anti-inflammatoire trouvé au fond de mon sac ; ma mère écoute Chérie FM et chante du Delpech. Limite, on a presque l’air d’une famille heureuse et normale.


- C’est toujours la même chose l’autoroute. On ne voit rien du paysage… Ca vous dit que l’on prenne un raccourci par les marais poitevins, demande mon père soudainement plein d’entrain. J’ai envie que la Xsara vrombisse à travers les petites routes comme dans Turbo. Elle en a sous le capot. 4 étoiles qualité sur Auto-Plus.


- Hum, en quelle année ?, je demande un peu blasée.


- C’est vrai qu’elle est un peu insolente ta fille, dit mon père à ma mère qui approuve en hochant de la tête l’air de dire « je sais, je sais… ».

c d 

 

Arrivée dans 560 kilomètres et 910 mètres.
Cela doit faire à peu près deux heures que l’on tourne dans les marais.


Tourner à gauche, puis prendre la 4ème à gauche. Bip –Bip.


- Cela ne fait pas trois fois que l’on passe devant ce Gifi ?

Le silence me répond.


Bip – Bip. Tourner à gauche, puis prendre la 4ème à gauche.


Tourner à gauche, puis prendre la 4ème à gauche.


Tourner à gauche, puis prendre la 4ème à gauche. Bip – Bip – Bip – Bip.


Tourner à groche, prui rende la tième ..grrrr…grrr… Grrr.
Soudain, le GPS se tait. Une croix blanche apparaît sur l’écran noir quelques seconde avant qu’il ne s’éteigne.


- Je l’avais dit, je fanfaronne derrière mon Psychologie Magazine « Aimer enfin sa famille ».

- Groumpf…, fait mon père sans réglisse dans la bouche, tout en secouant énergiquement le boîtier.


Ma mère, de très bonne volonté, tente une approche écologique pour nous permettre de retrouver grâce à la mousse au pied des arbres.


- La Bretagne, c’est au nord. Et la mousse pousse au Nord. J’ai appris ça dans mon cours « Géraniums et plantes grasses ». Je savais bien que cela me serait utile un jour. D’ailleurs, avec Geneviève ma collègue…blabla…blabla…


Vroum - broum- broum- broum –Brrrm –Brrm – Brr – pfiouuuuuu…

Ah non, c’est pas le GPS. C’est la Xsara… en panne.

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Vous êtes arrivés !
claironne le GPS dans le train Bordeaux – Irun.


Bénie soit la Xasara décédée dans les marais poitevins. Je n’ai jamais vu la Bretagne (yes !) et j’ai fait ma B-A parentale.
J’ai juste eu un petit frisson quand ma mère m’a dit : « On remet ça l’année prochaine ? Après tout, tu seras bien contente d’avoir passer un peu de temps avec nous avant que l’on ne soit morts. D’ailleurs, tu devrais prendre exemple sur Nathalie, ta copine de maternelle qui aime ses parents, ELLE ! Et bien figure-toi que… blabla…blabla… ».