Frédéric Maire signe sa dernière édition du Festival internationa du film de Locarno. Dès octobre 2009, il reprendra la direction de la Cinémathèque suisse.
Du 5 au 15 août prochain, le cœur de Locarno battra à l’unisson des cinématographies du monde. Après une édition 2008 quelque peu atteinte dans ses finances par la pluie, avec un manque à gagner de 200.000 francs sur la Piazza Grande, celle de cette année n’accuse pas encore les contrecoups éventuels de la crise. Serein, Frédéric Maire, directeur artistique pour la quatrième et dernière fois, lève le voile sur la 62e édition.
- Avez-vous tenu à marquer votre quatrième et dernière édition d’une touche personnelle particulière ?
- Disons que, moins que sur les précédentes, j’aurai droit cette fois à l’erreur. Pourtant mes choix, qui sont aussi ceux d’une équipe, restent pareils : pas de frontières entre les diverses tendances du cinéma actuel, expérimental ou plus classique ; ouverture au monde, ouverture à tous les publics, tout en pariant sur la découverte. Ainsi je me réjouis d’accueillir l’iconoclaste Pippo Delbono en hôte d’honneur, notamment avec La Paura, un film tourné entièrement avec un téléphone portable et qui propose un formidable portrait de l’Italie actuelle. Dans un genre moins radical, proche du polar, nous sommes également contents d’accueillir en compétition internationale le jeune réalisateur romand Frédéric Mermoud, avec le portrait de société que propose son premier long métrage, intitulé Complices et retraçant la trajectoire d’un garçon de 18 ans mort dans des circonstances dramatiques.
- Quels thèmes se dégagent-ils de la cuvée 2009 ?
- À l’évidence, et tous pays confondus, les problèmes liés à l’appartenance et à l’identité, en relation avec les migrations et l’immigration, sont omniprésents. De même, la préoccupation « verte » est lancinante, et bien plus qu’idéologique : ancrée dans la réalité. Le dernier film des frères Arnaud et Jean-Marie Larrieu, Les derniers jours du monde, en donnera un aperçu apocalyptique. Ce qui me frappe, en outre, est l’explosion des genres et des formes du cinéma, où les liens transversaux entre cinéma et théâtre, arts plastiques et musiques de toute sorte se multiplient.
- Quoi de saillant sur la Piazza Grande ?
- Le programme en est très éclectique, avec un retour du drame historique. Très intéressant : un film allemand montrant des paysans de Westphalie qui planquent des Juifs pendant la guerre. Et la Suisse y sera bien présente, notamment avec le dernier film de Christoph Schaub sur un scénario du best seller alémanique Martin Suter.
- Les mangas déboulent en force. Vous visez le public jeune ?
- Pas seulement. C’est un projet global, incluant une septantaine de films, qui tend à corriger l’image « infamante » toujours collée au genre par les plus de quarante ans… Or il s’agit d’un univers d’une richesse infinie, certes marquée par la violence, à l’image de notre monde – la bombe atomique y est évidemment pour quelque chose –, mais qui contient des trésors d’invention et qui a beaucoup influencé, aussi, la création occidentale.
- Comment percevez-vous, enfin, l’avenir du Festival de Locarno ?
- Pour l’instant, le festival se porte plutôt bien. Son image dans le monde s’est améliorée, autant que le rendez-vous s’est popularisé en Suisse et draine de plus en plus de jeunes visiteurs. Actuellement, les hôtels ont fait le plein et nous n’avons pas encore vraiment senti passer la crise, à quelques signes près du côté des sponsors, mais les signaux sont plus inquiétants à terme, comme on l’a vu au Festival de Berlin qui a perdu son sponsor principal.
- Une innovation à signaler côté intendance ?
- Oui : l’ouverture d’un abri anti-atomique ( !) à Ascona, destiné à héberger les festivaliers dans un vaste Bed & Budget, à 25 francs la nuit…
Points forts de l’édition 2009
Piazza Grande Nouveau film de Christoph Schaub : Giulias Verschwinden, comédie sur un scénario de Martin Suter, avec Bruno Ganz.
Les derniers jours du monde, film écolo-catastrophe des frères Larrieu, avec Matthieu Amalric.
My sister’s Keeper de Nick Cassavetes, avec Cameron Diaz et Alec Baldwin.
Manga Impact Le meilleur de la production d’animation japonaise. Une soixantaine de films, téléfilms. Expo et livre à l’appui.
Cinéma suisse Journée spéciale le 12 août. Premier long métrage de Frédéric Mermoud, Complices, avec Emmanuelle Devos. Nouveau documentaire de Richard Dindo, The Marsdreamers, tourné aux USA avec les futurs « habitants » de la planète Mars. Nombreux autres films, dont Les yeux de Simone de Jean-Louis Porchet, avec Irène Jacob.
En point de mire Hommage à Pippo Delbono, homme de théâtre et cinéaste italien d’avant-garde. Projection de La Paura, son dernier film, entre autres.
En compétition internationale : L’Insurgée de Laurent Perreau, avec Michel Piccoli.
Cinéastes du présent : Piombo Fuso, de Stefano Savona, document sur la bande de Gaza pendant les attaques israéliennes.
Evénements Le 5 août à la Fevi, après la projection de Vitus, de Fredi M.Murer, le jeune pianiste Teo Gheorghiu interprète le concerto de Schumann qui clôt le film. Léopard d’honneur au réalisateur américain William Friedkin (French Connection, L’Exorciste).
Bed and Budget Dans les locaux de la protection civile d’Ascona, pour 25.- la nuit
Infos Festival international du film de Locarno,du 5 au 15 août. http://www.pardo.ch
Zoom sur Locarno: durant toute la durée du Festival, JLK publiera ses commentaires sur le blog http://leopard.blog.24heures.ch/