Emergence de la néolithisation en Europe de l'Ouest
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Inventée vers -10 000 en Anatolie et dans le Croissant fertile, l’agriculture arrive aux portes de l’Europe,
en Grèce et dans les Balkans 3 000 ans plus tard, et mettra encore 2 000 ans pour conquérir tout le continent.
A partir du -VIè millénaire, des commerçants/navigateurs exportent les techniques d’agriculture, en longeant les fleuves et la mer. Il existe alors deux voies principales de diffusion : l’une le
long des côtes méditerranéennes, l’autre suivant le cours du Danube.
Les aires d’extension de l’agriculture néolithique ont été colonisées par des sociétés agraires pionnières
préalablement constituées. Cela étant, la colonisation par des agriculteurs néolithiques de régions parcourues par des chasseurs-collecteurs mésolithiques moins nombreux a aussi comporté des
échanges entre ces deux types de populations : dans certains cas, les chasseurs-collecteurs ont été assimilés biologiquement et culturellement, dans d’autres cas, à la longue, ils se sont
convertis à l’agriculture.
Ainsi, à des phases d’expansion démographique, ont succédé des pauses, le temps que les idées venues d’ailleurs s’enracinent parmi les autochtones. Dans chaque région, ces sociétés se sont, par
la suite, diversifiées, créant de multiples cultures ayant chacune sa propre originalité. Jusqu’à ce qu’elles s’exportent à nouveau vers d’autres frontières en suivant le même schéma, au rythme
d’un kilomètre par an. Au final, l’expansion démographique aura joué pour un tiers dans la diffusion de l’agriculture, les idées auront parcouru le reste du chemin.
Dans le Midi de la France, les chasseurs mésolithiques de la culture du Castelnovien (présents sur les côtes
aussi bien méditerranéennes que surtout Atlantique, ils seront les premiers en contact avec les néolithiques) adoptent de leur propre initiative le mouton, quelques sites dans l’Aude et le Var
annoncent des tentatives de culture de légumineuses au -VIIè millénaire (les premières récoltes de céréales n’auront lieu que … 2 000 ans plus tard). Ils ont leurs équivalents en Espagne sur la
façade méditerranéenne, au Portugal, mais également à Téviec en Bretagne. Sur le littoral atlantique de la France, plusieurs sites côtiers témoignent d’une présence précoce de groupes
méso-néolithiques, vers -5 600. Locmariaquer, à l’entrée du golfe du Morbihan, a montré l’existence de déforestations et de culture de céréales au -VIè millénaire : le climat très favorable a
joué un rôle prépondérant dans l’établissement des premiers villages d’agriculteurs (qui peuvent avoir été dans un premier temps des chasseurs-collecteurs tentant l’aventure néolithique, avant
l’arrivée des néolithiques eux-mêmes, avec leur expérience et leur matériel adéquat).
L’économie néolithique est plus poussée à la même époque en Sardaigne, en Corse, en Ligurie et en Provence.
Tandis que, vers -5 000, la néolithisation est complète en Italie du Sud avec l’apparition de la céramique peinte ou gravée, un autre ensemble acquis à l’économie de production se développe de la
Ligurie au Portugal (sur les côtes, l’occupation par ces populations se fait à partir du -VIè millénaire) et au Maroc. C’est la culture de la céramique à décor cardiale (avec impressions du décor
par un coquillage : le cardium) : à l’élevage du mouton s’ajoute celui du petit bœuf, et les premières céréales apparaissent.
La phase ancienne de la culture à céramique cardiale, antérieure à -5 000, correspond à l’occupation de la Corse et de la Provence. Les sites de la phase moyenne occupent une bande côtière large
d’environ 350 km. A partir de -4 500, la diffusion se poursuit et gagne le Massif central et la côte atlantique, où les faciès culturels sont marqués par l’écologie de chaque région et par des
évolutions internes ramifiées.
La néolithisation de l’Europe centrale se manifeste vers -4 750, dans la vallée du moyen-Danube et dans le
sud de la Moravie.
Dans la seconde moitié du -Vè millénaire, donc assez rapidement, un vaste ensemble culturel se répand vers l’ouest, jusqu’au bassin parisien : c’est la culture de la céramique à décor linéaire,
avec une mise en place assez rapide (quelques siècles) du nouveau mode de vie agricole, privilégiant le choix de terres légères et fertiles.
Les villages sont essentiellement implantés sur les placages de lœss de Slovaquie, d’Allemagne, d’Alsace, de Belgique et des Pays-Bas. Dans d’autres régions, comme les vallées de la Seine, de
l’Yonne, de la Marne et de l’Aisne, ce sont plutôt les sols graveleux qui sont recherchés. Ces choix sont liés à des pratiques agricoles peu élaborées (brûlis et absence d’araire), entraînant des
périodes de régénération naturelle de la fertilité, chaque nouvelle génération devant ainsi aller coloniser de nouvelles terres. Les groupes néolithiques possèdent un mode de vie conquérant : à
la recherche de nouvelles terres à pâtures pour les bêtes, et de champs pour la culture des céréales et des légumes, ils se heurtent à la forêt qu’ils élaguent, à des régions ingrates et à leurs
habitants. L’unité sociale doit être plus soudée, avec des villages ayant au maximum quelques dizaines de grandes maisons trapézoïdales ou rectangulaires abritant plusieurs familles, ce qui
contraste avec les habitats mésolithiques, plus légers et nomades.
Des groupes « mésolithiques » pratiquent la transhumance des moutons. Ces incursions périphériques à la culture de la céramique linéaire constituent des entités permanentes et acculturées. Il
existait ainsi des contacts entre les premiers néolithiques et des populations locales prénéolithiques : en particulier, le passage entre le Mésolithique et le Néolithique est le résultat de ce
type d’acculturation dans le Nord de l’Europe. La coexistence des chasseurs-pasteurs mésolithiques et des cultivateurs néolithiques peut entraîner l’échange de biens, comme des céramiques contre
du gibier.
Pour autant, par la volonté de certains individus à Résister à toute forme d’intégration à ce nouveau système
de survie, au fond par goût de la Liberté, certaines tribus pratiquèrent fréquemment la guerre, pour défendre leurs territoires et valeurs, mais également parce qu’elles aimaient la violence.
Ainsi, il existait des sociétés de chasseurs guerrières, d’autres ne se battant qu’occasionnellement, d’autres tout à fait Pacifiques : le conflit armé est ainsi affaire de culture et dépend de
l’attitude de l’Autre.
La croissance démographique, la quête du prestige et du pouvoir, la nécessité de s’affirmer dans l’affrontement armé, existaient de tout temps, en plus d’autres motifs, psychologiques ou
symboliques, tels que les vexations, les insultes, la transgression de frontières, la rupture d’alliances, le rapt de femmes ou d’enfants. Les temps paléolithiques (dès Neandertal, et à coup sûr
à partir de -25 000) révèlent des pratiques violentes, cruelles, mais d’ampleur limitée. Les premiers gros affrontements entre groupes sont observables dans de tardives sociétés de
chasseurs-collecteurs, en cours de sédentarisation, entre -10 000 et -6 000 dans les cultures Mésolithiques d’Europe, où l’on procédait déjà à l’élimination collective de groupes humains.
Au Néolithique, les affrontements armés sont présents, avec une tactique de combat organisée : avec la naissance de l’agriculture, le surplus et la capitalisation contribuent à la création de
richesses, source de compétition entre les humains.
Les meilleures terres, les gisements de matières rares constituaient des enjeux conflictuels.
On a trouvé des traces d’agressions mortelles sur les bords des grands fleuves (Danube, Dniepr en Ukraine), ou près des côtes poissonneuses d’Europe de l’Ouest (Bretagne, Suède, Danemark). Ces
actes meurtriers sont la conséquence de l’établissement de territoires que des populations se sont appropriées et des problèmes frontaliers, des enjeux économiques ou stratégiques que cela
entraîne. En effet, les squelettes provenaient de nécropoles, c’est-à-dire d’espaces consacrés aux défunts. Or, la claire distinction entre l’habitat des vivants et un lieu attribué aux morts
s’observe lorsque les communautés se sédentarisent, font corps avec un territoire délimité.
A contrario du Proche-Orient, où les groupes ont eu le temps, progressivement, de développer et de comprendre
ensemble l’intérêt des nouveaux concepts du Néolithique (même si il y eu des conflits, mais plus limités), la violence est très attestée parmi les populations du néolithique européen.
Vers -6 000, les innovations néolithiques de l’économie de production (à peine arrivées) se reconnaissent dans des villages plus ou moins fortifiés d’Italie du Sud.
Vers -5 000, à Talheim (Allemagne), une fosse commune de la céramique linéaire contenait les dépouilles de 34 adultes et enfants, qui avaient été massacrés (crânes défoncés à coup de hache),
attaqués de dos, sans doute en tentant de se protéger ou de fuir. Il peut s’agir de l’élimination de la population d’un hameau par des chasseurs locaux, de heurts entre communautés d’agropasteurs
en concurrence pour certains espaces, voire de familles réprouvées et condamnées à mort.
A la même époque, à Asparn-Schletz (Autriche), plusieurs dizaines d’individus furent massacrés et leur corps enfouis dans les fossés qui entouraient la localité.
Afin que la population s’éteigne d’elle-même, à Herxheim (Allemagne), de nombreux enfants furent des victimes désignées : la suppression d’individus, voire leur consommation, existait à
différents endroits d’Europe continentale.
Au -VIIè millénaire, il y a donc sédentarisation des mésolithiques, et celle-ci va s’affermir au fil des
siècles. Au cours de la première moitié du -Vè millénaire, l’implantation néolithique va aller en s’amplifiant, en partie avec la progression des sociétés du Néolithique ancien continental, de
type post-rubané (évolution de la culture de la céramique à décor linéaire). En effet, la déforestation s’aggrave brusquement, ce qui dénote une augmentation de la population, un besoin plus
grand de surfaces cultivables et enfin un besoin en matériaux pour la construction des maisons, des bateaux, des voies de circulation et aussi pour la réalisation de tous les engins de traînage
et de levage des pierres qui vont constituer les grands monuments.
Lors du Paléolithique, le continent était régulièrement recouvert de glaces. Les humains devaient alors
suivre les grands animaux durant leurs grandes migrations tout en prenant de l’avance sur les grands prédateurs, leurs concurrents. A la Roche de Solutré, les chevaux sont rabattus pour tomber de
la falaise, ce qui demande un gros travail de Coopération et une bonne connaissance de l’animal et de l’environnement. Ceci est transmis d’une génération à l’autre. La civilisation est ainsi née
chez les chasseurs paléolithiques de gros gibiers.
Quand l’atmosphère se réchauffe, la glace fond, la mer s’élève. Les grands troupeaux remontent vers le nord. Pendant 5 000 ans, les humains ne savaient pas comment survivre à ces changements
(même si durant des milliers d’années on vivait également de la pêche en bord de mer). La chasse est un bon stimulant mental et physique, comporte « peu de risques » et demande un minimum
d’efforts, qui sont bien récompensés.
Avec l’extinction des grands herbivores, la chasse est plus difficile et moins productive : la capture d’un lièvre demande plus d’efforts que pour un énorme mammouth. C’est pour cela que les
chasseurs sont contraints de se tourner avec l’élevage. Au Paléolithique, les chasseurs ont peint leur rencontre avec les animaux qu’ils chassaient, au Néolithique cette forme d’art a
complètement disparue.
Les mésolithiques, anciennement maîtres chez eux, se sentent dépossédés de leur culture/traditions et encore
plus de leurs territoires : soit ils Résistent aux envahisseurs, soit ils se fondent dans ces sociétés nouvelles avec leurs nombreux avantages de confort, stabilité alimentaire et force du nombre
(mais avec beaucoup d’inconvénients : travail laborieux, organisation sociale plus stricte avec émergence d’une hiérarchie, etc.).
L’époque est tumultueuse, avec la révolution agricole et ses conséquences. Il faut en effet apprendre à maîtriser son environnement pour survivre, ce qui entraîne des bouleversements sociaux : ce
sera la naissance des rois, des guerres, des frontières.